La Liberté Manifeste - Chapitre 2 #1
Après la Liberté, plongeons dans le droit naturel vu par un libertarien...
(Suite de l’épisode précédent, ici.)
Chapitre II – Le droit naturel
Iaenzen : Bonjour, Stéphane ! Qu’est-ce qu’est le droit naturel ?
Stéphane : Bonjour, Iaenzen ! Merci pour ce nouveau chapitre sur ce sujet essentiel à la compréhension de la Liberté. Pour répondre, je vous propose de suivre deux temps, en me servant des quelques briques posées à cette fin dans un de mes livres.1
Maintenant que nous avons fait un tour d’horizon de la Liberté, vous vous souvenez que sa définition fait le lien avec le droit (naturel) et la propriété, il me semble logique de poursuivre de la même manière. Je vais donc poser d’autres définitions, puis les principes du droit naturel. Vous verrez que tout cela est très simple, et bien connu.
Ainsi, le droit naturel est avant tout le droit au respect. Pour être plus précis, il est le fruit de la décision, prise par les Hommes, de la civilité, de se respecter mutuellement, plutôt que de s’agresser ou de choisir la violence sans fin. “Chaque humain, du simple fait de sa naissance, a le droit de vivre, agir et d’être individuellement respecté. Ce droit naturel est inhérent à sa réalité d’humain et n’est pas lié à une religion, ni à un gouvernement, ni à un pouvoir quelconque.” Le respect prend un sens bien précis chez les libertariens, on le verra avec le principe de non-agression.
Pour qu’il y ait droit, il faut aussi qu’il y ait devoir, afin que la symétrie de la Liberté, dont nous avons parlé au premier chapitre, puisse se retrouver au niveau plus concret du droit. Ce devoir est bien connu, il s’agit de la responsabilité, individuelle bien sûr. “De la Liberté de l’individu découle sa responsabilité, du droit découle le devoir. Chacun assume pleinement les conséquences de ses actes et en répond quand ces derniers ne respectent pas le droit naturel ou la propriété d’autrui.” Avec l’introduction de la responsabilité, le droit est traduit, mis en œuvre par l’obligation. Attention, “obligation” est ici prise au sens de l’auto-engagement et non au sens de la contrainte. L’homme civil s’oblige ainsi à respecter la propriété privée d’autrui. Il a compris qu’il est de son intérêt et de celui des siens de la respecter pour prospérer.
Vient donc ensuite la propriété, individuelle, pour fermer la boucle. “La propriété consiste en un ensemble de droits ou conventions définissant qui décide que faire des biens physiques concernés. Elle évite et règle les conflits mutuels liés à l’intégrité physique ou au partage des biens. Elle matérialise la Liberté consentie avec autrui.” On voit donc que la propriété n’est autre que la matérialisation du droit sous la forme de conventions, ou de contrats, entre les individus qui décident de se respecter l’un l’autre. Voilà en fait tout ce qu’il a à comprendre sur l’essence même du droit naturel.
Cependant, et voilà mon second temps, pour que ce droit et ses conventions puissent se mettre en musique, il est nécessaire de poser un petit nombre de principes de justice et de civilité, qui tous ne sont que des explicitations de ce que “respecter autrui” implique et veut dire : ils ne sont donc pas sortis du néant.
Le premier est le “principe du libre consentement”. Il établit que “les rapports sociaux se doivent d’être exclusivement fondés sur le libre consentement mutuel et la coopération volontaire des individus concernés. Ils s’expriment dans des accords de propriété privée.” Ce principe exprime de manière positive le refus de la violence, ou de la contrainte, comme mécanisme social légitime. C’est lui qui pose toute légitimité et qui, à l’inverse, la conteste à tout état, droit positif, ou autre institution arbitraire.
Puis vient l’autre principe majeur de la Liberté, celui de la non-agression : “L’initiative ou la menace directe de l’usage de la force (la violence ou la contrainte) physique envers l’intégrité ou la propriété d’autrui, n’est jamais justifiée ni légitime, sauf en défense et comme réponse à une telle agression.” C’est lui qui fonde la Justice, sur la simple base de la violation du respect de la propriété. Nous avions vu que la définition de la Liberté faisait le lien avec le droit et ses propres limites via la propriété, voici que la non-agression la prolonge en pratique jusqu’à la Justice.
Les deux prochains principes sont moins fondamentaux, il s’agit plutôt d’apporter de la clarté à la notion de respect. Voici le principe de tolérance : “Chacun se doit de respecter a priori les choix pacifiques d’autrui, de défendre ses préférences par l’argumentation, et non par la menace ou l’intimidation. Inversement, chacun est légitime à choisir d’interagir ou pas avec quiconque.” La tolérance envers autrui est souvent prise comme principe de base chez les libéraux, je pense par exemple à F. von Hayek qui avance que la tolérance “caractérise essentiellement le libéralisme”.2
Mais cette vision de la tolérance, qui porte sur l’individu et ses projets, entre en conflit avec la propriété et le droit chaque fois que ces “projets”, qu’il faudrait pourtant tolérer, se proposent d’attenter à la propriété d’autrui. La tolérance libertarienne est plus modeste, mais plus rigoureuse, elle exige le respect a priori, mais en aucune façon inconditionnel si autrui ne respecte pas la propriété et le droit.
Le second est le principe de réalité : “La réalité existe indépendamment de nos perceptions et de nos désirs. La raison est l’instrument dont chaque humain dispose pour la percevoir et adapter ses comportements à ses exigences. Des interprétations différentes de la réalité ne sauraient suffire à justifier la remise en cause de la Liberté de quiconque.” Ici, il s’agit d’un point plus méthodologique que réellement de droit, mais qui reste important pour réfuter de nombreuses critiques infondées. La Liberté se manifeste chez chacun par sa réaction et ses choix d’interaction avec la réalité. Venir contester la réalité au titre d’un dogme quelconque se traduit toujours par une forme de contrainte mise sur ce choix, sur les choix possibles, une forme d’arbitraire.
Pour finir vient le principe de négociation. C’est celui qui fonde la dynamique économique et juridique des échanges libres et des contrats librement négociés. Il est assez évident quand on a compris son objet, qui est de concrétiser le respect par l’échange libre mutuellement profitable et faire ainsi avancer la Liberté de chacun : “Les projets et décisions concernant de multiples individus se doivent de résulter de négociations mutuelles respectant les principes précédents, se matérialisant par des contrats consignant les obligations de chacun et leurs conditions.”
Fort de ce cadre, la propriété peut être reconnue, négociée, échangée, documentée, respectée, et toute une société peut fonctionner sans autre besoin de droit “positif”. J’ai envie de conclure avec William Hazlitt : “L’amour de la Liberté, c’est l’amour des autres ; l’amour du pouvoir, c’est l’amour de nous-mêmes.”
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