La Liberté Manifeste - Chapitre 1 #4

On pourrait donc dire que la devise libertarienne faisant écho à la devise française pourrait être “Liberté, Inégalité, Concurrence”.

(Suite de l’épisode précédent, ici.)

Iaenzen : Une des critiques faites envers le “contractualisme-jusnaturaliste” pose que les libéraux (et les libertariens de même) opposent la Liberté à l’état, comme si dans la nature, le pouvoir de l’homme sur l’homme serait définitivement écarté. Êtes-vous convaincu qu’en absence totale de l’état, uniquement avec la régulation du libre marché, il ne pourrait y avoir aucune ingérence, aucune autre forme de pouvoir, sur la Liberté humaine ?

Stéphane : Oui. Ce n’est pas une affaire de conviction, mais de logique. Il n’y a fondamentalement que deux formes de pouvoir, celui de la force et celui de la séduction. Le premier est celui où l’état intervient, celui où son monopole de la violence légale s’exprime, par définition. Il est celui qui réprime le libre arbitre par la coercition. Le second est celui où se joue le négoce, où se joue l’influence certes, mais où au libre arbitre est laissé le complet reflet de la volonté individuelle, où le libre consentement est la règle de base des interactions sociales.

Quelle autre forme de pouvoir imaginez-vous ? Quelle autre forme d’ingérence ? Pour le libertarien, c’est très simple, il y a coercition, ou il n’y a pas coercition. Il y a violence étatique, ou non. Tout ce qu’on peut imaginer d’autre au sein de l’immense richesse des relations humaines relève de la manifestation de leur Liberté à inventer leurs échanges.

Iaenzen : Stéphane, si vous me permettez, je voudrais insister, vous demandant de le définir d’une manière très précise et didactique afin que nos lecteurs puisse avoir cette compréhension de la doctrine libertarienne, quelles sont les considérations de la doctrine libertarienne vers la liberté positive et la liberté négative ? (Je laisse hors de la question la liberté démocratique, étant donné qu’elle n’est évidemment pas considérée dans le modèle de société Libre). Peut-on dire que le libertarianisme embrasse la liberté négative et combat la liberté positive ?

Stéphane : Oui, on peut tout à fait le voir ainsi, et cela va bien au-delà. Car la pensée libertarienne s’oppose frontalement et radicalement au positivisme en général, qu’il soit juridique ou scientifique. Nous aurons sans doute l’occasion de le développer, mais je dirai simplement ici que le positivisme juridique est infondé car il découle du principe injustifiable que la légitimité de la loi ne peut venir que de l’état, sous prétexte qu’il serait le seul qui pourrait la faire respecter ; et que le positivisme scientifique est tout aussi faux, cette fois parce qu’il prétend que la science ne peut reposer que sur l’empirisme, ce qui est non seulement faux mais contradictoire.

Iaenzen : Envisagez-vous une évolution des valeurs de Liberté à travers le temps ? C’est-à-dire que, sans cesser d’être un homme libertarien, considérez-vous qu’il soit possible que le concept de liberté dans le monde actuel, comparé au monde d’il y a 2.500 ans par exemple (donc la Grèce classique, naissance de la République politique, de l’état comme on le connaît aujourd’hui) ait évolué, de pair avec les révolutions de la pensée, de la technologie, l’industrie, et même l’évolution humaine ?

Stéphane : Non, je ne crois pas que le concept de Liberté ait évolué dans le temps (ceci est cependant un avis tout à fait personnel) mais plutôt que ce sont deux choses un peu différentes qui expliquent cette évolution apparente du concept. La première a trait à la vision de l’Homme, et l’illustration peut-être la plus connue me venant à l’esprit est la Controverse de Valladolid. Avant cette fameuse “affaire”, les Européens voyaient les hommes habitant l’Amérique (du Sud) comme “autre chose que des humains”. Savoir si cela était de bonne foi ou s’il s’agissait d’un vaste complot m’importe peu ici, il est de toute manière vain d’espérer trancher l’Histoire.