(Suite) Liberté économique ou Liberté individuelle ?
Découper la Liberté, c'est la perdre.
Vision Libérale - Rappel
Dans une première partie à cet article, ici, en préparation à ma participation au prochain Week-End de la Liberté à Dax :
je rappelais que cette question prend son origine dans la vision classique que les «libéraux» se font de la Liberté, où en gros le droit serait le garant et la précondition à l’économique - mais où pourtant on voit bien que la concurrence n’est pas faite par le droit. D’où cette interrogation quant à l’origine réelle de la Liberté entre les deux axes.
Définir la Liberté
De plus, dans l’héritage libéral, celui de la DDHC typiquement, la Liberté fait l’objet d’une définition qui n’en est pas vraiment une, qui n’en spécifie pas la substance, à force de chercher d’abord à en trouver les limites, sans d’ailleurs y arriver. Qui n’a jamais été circonspect devant cette fameuse formule qui ne dit rien de concret ?
La Liberté des uns s’arrête là où commence la Liberté des autres.
Outre de poser un début et une fin fixes et figés, rien n’y est dit sur la nature de la Liberté. Est-ce du Droit ? Est-ce de l’Economique ? Ou est-ce plutôt du spirituel ou bien encore ce que chacun voudra bien y mettre ? Matérialiste ? Relativiste ?
Murray Rothbard
Que je sache, Murray Rothbard le premier, du moins de manière documentée et avec une perspective volontairement libertarienne, Rothbard a fondé la doctrine des libertariens, dans son Ethique de la Liberté, en accordant à la Liberté une tout autre définition, une définition réglant le flou de la précédente et qui nous met sur la voie.
La Liberté, c’est le droit de faire ce qu’on désire de sa propriété privée.
J’ai eu de nombreuses occasions de l’expliquer, mais je la décortiquerai une fois encore. Cette définition a trois mots qui en font toute la différence avec la précédente.
Droit. La Liberté n’est pas un je-ne-sais-trop-quoi. Elle n’est pas une capacité (celle des libertaires), elle n’est pas un esprit ou une foi ou une spiritualité (celle de certains croyants), elle n’est pas non plus un droit, certes, mais un droit qui s’imposerait aux autres. Car alors, ma Liberté pourrait être supérieure à la tienne, pourtant définie à l’identique. Elle est un droit, donc, et surtout un droit symétrique. Ma Liberté est une Liberté que tu me reconnais, que tu m’accordes, comme je t’accorde la tienne.
Faire. La Liberté est toujours la Liberté à faire, à agir, à décider. Elle est celle qui porte la Volonté de la Vie. Mais faire, agir, c’est mener l’action humaine, ce terme choisi par Ludwig von Mises comme point de départ à toute la théorie économique dite autrichienne. Faire, c’est ainsi par exemple commercer, négocier, échanger. Faire est donc profondément de nature sociale et économique. La Liberté est donc le droit d’avoir la Liberté économique, et il n’y a pas d’autre Liberté que celle-là. On avance…
Propriété. L’éclair de génie - à mon avis - de Rothbard fut de savoir sortir de la récursion infinie entre ma Liberté bornée par la tienne bornée par la mienne etc. grâce au rôle social - pourtant évident - que joue la propriété privée. Si la propriété démarque les choses non pas que je possède, mais envers lesquelles ma volonté est légitime à s’exercer pleinement, alors ma propriété démarque mon espace de Liberté. Ma Liberté est alors pleine «chez moi» de même que la tienne l’est «chez toi». Voilà.
Voilà donc la Liberté bien mieux définie. Et définie par l’entremise des concepts mêmes qui nous renvoient à notre sujet de départ. Le Droit et l’Economie.
Où l’on commence à se rendre compte qu’ils sont tous les deux fort enchevêtrés. J’entends néanmoins déjà l’attentif du fond de salle me lever le doigt : «Mais pourtant, on voit bien dans la définition que le Droit est la condition nécessaire au Faire, non ?»
Bonne remarque, mais… Pas si sûr, en fait… Avançons…
Rueff & Hoppe
Pour le saisir, il convient de se demander pourquoi, au fond, l’Homme, depuis toujours, a-t-il eu le besoin de la propriété privée, c’est-à-dire de règles sociales sur la légitimité - ou non - de disposer de choses, c’est-à-dire de contrôler des ressources.
Car en dernière analyse, ce n’est rien d’autre, la propriété privée. Eh bien, il a eu ce besoin pour la bonne raison que, sauf à régler toutes les revendications à posséder ceci ou cela par la violence, il a bien fallu, pour protéger le faible du fort et ainsi créer la civilisation, convenir et faire admettre au fort son intérêt à respecter des règles. Renoncer à la force par intérêt, voilà le saut quantique. Le Droit naturel était né.
Hans-Hermann Hoppe, économiste autrichien et théoricien du Droit naturel, fait partie, à ma connaissance, des très rares à l’expliquer, à faire le lien de la sorte, ici :
[C]e n’est que parce que la pénurie existe qu’il y a aussi un problème de formulation des lois morales ; dès lors que les biens sont surabondants (biens «gratuits»), aucun conflit lié à leur utilisation n’est possible et aucune coordination des actions nécessaire. Il s’ensuit donc que toute éthique, correctement conçue, doit être formulée comme une théorie de la propriété, c.-à-d. une théorie de l’affectation de droits de contrôle exclusif sur des moyens rares. Car ce n’est qu’alors qu’il devient possible d’éviter des conflits autrement inévitables et insolubles. — Hans-Hermann Hoppe
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