Panarchie ou Sécession ?
«Vous n'êtes pas content de votre gouvernement? Prenez-en un autre.»
Panarchie ? Quid ?
Il est probable que «panarchie» soit un mot que vous n’ayez pas encore rencontré. Pourtant le concept fut proposé par Paul-Emile Puydt en 1860, comme le texte ci-contre en atteste — et explique sa conception de ce modèle de système politique.
L’idée centrale de la panarchie est assez simple. On pourrait dire qu’il s’agit d’une sécession à l’envers. Imaginez un pays, la “France” par exemple, où tout d’un coup, chacun pourrait choisir son “gouvernement”, son état. Il y a le gouvernement par Macron, il y aurait aussi celui de Bayrou, celui de Merluche ou celui de Marine. Chacun de ces gouvernements ne s’imposerait à personne a priori, car chaque citoyen pourrait en changer à sa guise, simplement en le déclarant en mairie par exemple1.
Ainsi, si je suis inscrit sous le régime de Macron, et que ce va-t-en-guerre finit de m’insupporter, je pourrais ne plus avoir à le subir, simplement en déclarant en mairie que désormais je n’accepterai de répondre qu’au régime de Laurent Übertone, disons.
En un mot, il y aurait libre concurrence des gouvernements sur le territoire français.
Pourquoi une sécession à l’envers ? Parce qu’il ne s’agit pas de fragmenter le territoire pour changer de régime, mais c’est le régime qui se fragmente sur le même territoire.
Vous me direz sans doute : mais cette idée est fantastique ! Avoir le choix ! Pourquoi si peu de libertariens en parlent-ils ? Pourquoi ne pas l’adopter ? Parce que la panarchie butte sur des hypothèses qui la rendent le plus souvent inapplicable. Voyons pourquoi.
Extraits
Mais avant de développer l’argumentaire, je vous propose de lire certains extraits du texte de P-E. Puydt pour mieux en prendre toute l’essence et la portée.
Donc, libre concurrence, entre les individus d’abord, puis de nation à nation. Liberté d’inventer, de travailler, d’échanger, de vendre, d’acheter. Liberté de taxer les produits de son travail. Point d’intervention de l’État en dehors de son domaine spécial. «Laissez faire, laissez passer.»
Aucun doute, Paul-Emil Puydt fut animé de la plus sincère aspiration pour la Liberté, même s’il montre des signes évident de minarchisme — ce n’est pas ce qui importe ici.
Pour cela, point n’est besoin de fractionner le territoire de l’État en autant de cases qu’il y a de formes de gouvernement connues et acceptées. Encore une fois, je laisse chacun et chaque chose à sa place. Je demande seulement que l’on se serre un peu et que les dissidents puissent librement bâtir leur église et adorer le dieu Pouvoir à leur manière.
«Adorer le dieu Pouvoir»… J’aime beaucoup l’ironie qu’exprime cette formule.
Toujours est-il que voilà donc la thèse confirmée : ce n’est pas le territoire qu’il propose de découper, mais la soumission des gens à un gouvernement. À chacun son «dieu Pouvoir» ; vivons ensemble, mais vivons ensemble selon notre régime préféré.
Vous connaissez le mécanisme de l’état civil ? Il ne s’agit que d’en faire une nouvelle application. Nous ouvrons, dans chaque commune, un nouveau bureau, le bureau de l’ÉTAT POLITIQUE. Ce bureau envoie, à chaque citoyen majeur, une feuille de déclaration à remplir, comme pour la contribution personnelle ou l’impôt sur les chiens.
«Question : Quelle est la forme de gouvernement que vous désirez ?» Vous répondez, en toute liberté : monarchie, ou démocratie, ou autre chose.
Voilà toute son idée : le gouvernement par adhésion explicite. Au moins cela règle la question du libre consentement : quoi de plus libéral — de prime abord — que cette idée ? Notez bien qu’il envisage que dans un même pays, se puisse fonctionner tant une monarchie qu’une démocratie, tant une démocratie que l’anarchie de Libéralie.
Régaliens en Concurrence
En résumé, selon la panarchie, on pourrait, il suffirait de choisir son mode d’organisation du régalien, le régalien à la carte pour soi, et tout serait réglé. Plus besoin de luttes politiques, une inscription à un «bureau des régaliens» suffirait. De plus, les régaliens seraient ainsi en concurrence et choisis par consentement explicite.
On l’aura compris, il doit y avoir un os quelque part, sinon il y a longtemps que les libertariens proposeraient la panarchie comme idéal à mettre en place au plus vite.
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