Ô RAGE, ô désespoir...
NIMH de RAGE nous imagine modélisables par informatique, comme des termites...
RAGE
Rage Culture est un webzine qui, depuis quelques années, tente de renouveler la pensée du côté des «conservateurs», avec prétend-il une certaine proximité, mais aussi une ambition de compétition, envers la doctrine des libertariens — ce qui me conduit à l’évoquer. À mon sens cette proximité avait de la substance à sa naissance, ce qui par exemple m’a amené à y contribuer par l’entretien ci-contre, mais c’est hélas beaucoup moins le cas désormais. Et c’est bien cette triste dérive qui me motive à l’écriture.
Je me concentrerai ici sur la production du dénommé «NIMH»1 qui semble être tout ce qu’il reste comme tête un peu pensante chez cette équipe, et ne répondrai qu’à deux productions à caractère technique, parce que je crois qu’elles suffisent à remettre les thèses de RAGE à leur juste place, c’est-à-dire ailleurs que dans nos mémoires.
Cybernétique
La grande marotte de NIMH, c’est la cybernétique. Ce n’est pas une mauvaise chose en soi, bien au contraire, et d’ailleurs un des mes amis libertariens, Faré, dont j’ai publié deux livres, se revendique également cybernéticien. Mais il ne faut pas tenter de faire dire à la cybernétique ce qu’elle ne peut pas dire, ni oublier la praxéologie qui, elle, a été pensée pour servir de fondement à toutes les sciences humaines.
NIMH a partagé le schéma suivant, qui selon lui montre non seulement toute la puissance de la pensée cybernétique, mais surtout combien son modèle conceptuel du fonctionnement humain et social est largement supérieur aux mesquineries anarcaps.
Voyons donc cela, en deux parties. Je commenterai ce modèle, puis d’autres écrits.
Action - Désir - Justice - Bon
Ce modèle est une boucle de rétro-action, tout dépend de tout — ce qui n’aide guère. Mais il faut bien que l’action se lance à un moment… Supposons donc une action.
L’action serait dans le champ du physique. Soit, même si en praxéologie, l’action humaine (Human Action) est autant physique que psychologique, car le sens de “action” en anglais est celui de la prise de décision (voir ce livre2 pour plus de détails).
Le schéma la voit menée par le désir — sans doute — mais une note nous dit que ce serait néanmoins la “moindre action” (moindre énergie) ??? Que l’action serait du champ du “moral” et du “gain d’ordre” ??? Tout en étant du domaine de la “Justice” et du “Bon” ??? Voilà des convictions à la fois ambitieuses et confuses :
Moral / Justice : Aucune action n’est juste ou morale en soi. Certes, la justice se juge à l’aune de l’action, mais le juste ou le moral n’est intrinsèque à aucune.
Bon vs Bien : L’action vise en effet le “désir”, un objectif dira l’école autrichienne (EAE), donc ce qui est jugé “bon” par l’individu pour lui-même. Mais le “bon” est subjectif alors que le “bien” (moral) est objectif (sous peine de justice arbitraire).
Désir / Décision : Ce n’est pas le désir seul qui commande l’action, mais la décision. Heureusement, nous ne sommes pas toujours les esclaves de nos désirs.
Moindre énergie : Energie ? La seule chose que l’on puisse supposer devant une action, c’est que l’individu y cherche à améliorer sa situation. La moindre énergie, ce serait bien souvent de ne rien faire, et pourtant les entreprenants/eurs font !!
Ordre - Volonté - Art - Beau
Action / Ordre : L’action aspirerait à l’ordre. Vu de l’individu pour l’individu, sans doute. Mais à ce niveau, on ne peut rien dire de l’Ordre avec un grand “O”. Il faut bien veiller à ne pas mélanger la subjectivité de la valeur individuelle et “un ordre”.
Ordre / Volonté : La volonté ne serait pas du même niveau que l’action ? Le désir aspirerait à l’ordre mais ne le voudrait pas ? Vouloir ferait l’ordre ? Mais alors, l’ordre serait-il de niveau individuel, ou de niveau supérieur ? Et qui en juge ?
Nature / Art / Beau : Question similaire : le Beau serait supérieur au Bon et Bien ?
Moindre complexité : L’ordre irait avec le moins complexe ? Mais c’est parfaitement arbitraire, cela ! Le marché libre est là pour montrer que son immense complexité est pourtant la manifestation d’un ordre planétaire spontané.
Information - Intellect - Science - Vrai
Ordre / Intellect / Information : Ce n’est donc qu’ensuite que la pensée interviendrait ? On pourrait aspirer à l’ordre sans y penser, et la pensée pourrait dépasser l’ordre ?
Métaphysique / Science / Vrai : La science ne relèverait pas de l’ordre, ni le vrai ? La métaphysique — si elle devait avoir une emprise sur tout cela — ne serait d’application que sur le champ de l’intellect, mais ni de l’action ni de l’ordre ?
Moindre information : Il y aurait a priori un angle positif à chercher, à n’avoir à considérer que moins d’information plutôt que plus ? Savoir serait négatif ?
J’arrête là, on comprend… que j’ai du mal à comprendre, disons. Ce doit être moi, mon intellect doit être un peu limité, je dois avoir du mal à mettre de l’ordre dans tout cela.
Mais plus sérieusement, où est passée l’action ? Comment ne peut-elle pas être la seule base tangible, manifeste et visible, le reste étant du domaine de ses motivations ?
V de la Vision Autrichienne
En réponse, je voudrais présenter la pyramide inversée ci-dessus. Elle n’est guère qu’un bricolage de circonstance et n’a rien de bien officiel ni académique, mais je crois qu’elle peut néanmoins illustrer comment l’EAE voit les choses s’organiser :
Cette pyramide se lit de bas en haut. Au commencement était “AH”, l’Action Humaine. Tout comportement d’un individu, autre que réflexe, est volontaire et de ce fait l’expression d’un choix, entre la foule des autres actions possibles.
La Praxéologie, caractéristique de l’EAE, est l’étude de l’Action Humaine. Parce que tout dans la société des Hommes vient de leurs Actions, toute sociologie ne peut que reposer sur la Praxéologie (je renvoie à la 2ème note en bas d’article).
La Praxéologie, à dessein, ne traite pas des motivations à agir. Les Préférences de chacun sont d’un autre ordre et s’expriment dans l’Action, indirectement donc.
La Thymologie (voir cette vidéo et ce livre) est l’étude des motivations à l’Action Humaine. Elle est séparée de la Praxéologie car elle porte sur la psychologie, donc subjective, quand la Praxéologie fonde l’économie grâce à sa nature objective.
Pause
Je fais une pause ici. Pour faire le lien avec NIMH, toutes les notions de Bien, Bon, Beau, Désir, Volonté, Intellect, ou Moindre ceci ou cela, relèvent de la Thymologie.
Avec les Echanges Libres, on passe de l’individu à la dimension sociale — car il n’y a pas de Société qui ne résulte des Echanges (libres) entre les Individus.
Des Echanges, quand ils se combinent de façon dynamique, font des Harmonies (pour reprendre un terme de Bastiat) et le Marché (terme économique consacré).
Enfin, plus largement, ces Harmonies et ce Marché sont des Ordres Spontanés, à commencer par les champs de la Culture, du Langage et même de l’Ecologie.
J’ai tenté de reprendre la plupart des termes de NIMH, quitte à parfois simplifier, par exemple en assimilant la religion à la Culture, ou la Science à des Echanges libres.
Ce n’est pas toujours utile de pondre des usines à gaz. Parfois, leur complexité n’est que le reflet d’un manque de recul ou de clarté. Moindre complexité, qu’il disait…
Voyons maintenant comment NIMH voit la “physique statistique” décrire le monde.
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