La propriété privée selon les libertariens contemporains #2
Quatre principes pour définir, comprendre et reconnaître le droit de propriété.
(Suite d’une première partie introduisant à la propriété privée…)
II – Quatre principes libertariens
Après ce tour d’horizon rapide de la propriété et de nombreux sujets connexes au sein de la vision libertarienne, les prochains paragraphes abordent un à un les principes fondamentaux qui lui donnent sens et légitimité. Sans faire ici de stricte copie ou citation, ces principes viennent de trois ouvrages essentiels, dont la lecture est chaudement recommandée : L’éthique de la Liberté, de Murray Rothbard, L’éthique et l’économie de la propriété privée (en anglais) de H-H. Hoppe, et Contre la propriété intellectuelle, de Stephan Kinsella.
Premier principe, le transfert de propriété par l’échange libre. Abordé rapidement, il pose que si deux propriétaires légitimes décident librement et spontanément de mener une transaction, qu’il s’agisse d’un échange immédiat, ou différé avec contrat explicite ou implicite, dans tous les cas cet échange réalise un transfert de propriété entre les deux. Autrement dit, l’échange libre motive la légitimité d’une évolution, d’un transfert de la propriété des objets, des services ou des sommes échangés. Le don spontané est bien évidemment un cas particulier qui suit la même logique.
Ce principe fait deux hypothèses : la légitimité des propriétaires et leur Liberté de décision. Sur ce second point, il en découle que tout échange subi, tel tout vol ou toute fiscalité, n’établit jamais la pleine légitimité du transfert de propriété, même quand celui-ci est légal, comme dans le cas de la fiscalité. Dans le monde actuel, il est très difficile de procéder à des échanges libres de fiscalité et de contraintes légales.
La question de la légitimité des propriétaires conduit à un raisonnement par récurrence. Si pour établir la légitimité d’un propriétaire actuel, il faut et il suffit d’établir celle du propriétaire précédent, on voit qu’on se lance dans une chaîne de recherche de légitimité antérieure qui pourrait bien être infinie si on ne lui trouve un moyen d’établir la toute première légitimité.
La propriété doit être visible, être remarquable.
C’est là qu’intervient le second principe, de primo-acquisition, connu sous le terme plus fréquent de « homesteading » en anglais. Il pose que face à une ressource manifestement libre de propriétaire, que ce soit un terrain, un matériau, un animal, un végétal ou autre, le premier qui la transformera de façon visible, ne serait-ce que pour en marquer son appropriation, est légitime à s’en revendiquer le premier propriétaire. Avec ce principe, il est possible de revenir aux sources de la légitime propriété.
Pourquoi le premier arrivant, le premier à transformer ? Parce qu’il n’y a aucune bonne raison pour que ce soit le second ou les suivants, surtout que si la propriété devait être accordée à l’un d’eux, personne ne ferait l’effort de la première transformation et personne ne serait jamais propriétaire. Pourquoi parler de transformation ? Parce qu’il ne suffit pas de se déclarer propriétaire de la Lune pour que cela soit légitime, encore faut-il l’avoir marquée, affectée, utilisée de manière distincte, visible et manifeste pour que le prochain à passer puisse constater que la ressource a déjà un propriétaire.
Et dans le cas d’un objet perdu ? Tout dépend des circonstances. Comme Tom Hanks seul sur son île, y trouver un patin à glace laisse à penser qu’il n’a plus de propriétaire. Par contre, aller dans le champ du voisin y cueillir une pomme est clairement un vol illégitime. Enfin, selon le même type de logique, tout objet qu’on a fabriqué soi-même n’est à soi qu’à condition d’être propriétaire de tous les éléments qui le composent. L’ouvrier est rarement propriétaire de la voiture qu’il assemble, pour cette raison.
Les deux principes précédents suffisent à établir une chaîne complète de légitimité d’un propriétaire actuel – toute propriété dont la chaîne serait rompue est contestable par un propriétaire antérieur, ou ses ayants droits. Mais ces principes n’établissent pas le besoin du concept même de propriété. Le principe suivant s’en charge. Il pose la propriété comme la réponse civilisée trouvée par les hommes au fait que les ressources sur Terre ne sont pas celles, infinies, de la Corne d’Abondance.
Les ressources autour de nous sont rares, au sens qu’il peut y en avoir pénurie et que nous ne pouvons pas avoir tout ce que nous voulons autant que nous le voulons. Si mon voisin prend une pomme, je ne pourrai plus l’avoir et la manger. Il y a donc potentiellement conflit entre nous sur cette pomme, et de même concernant tout objet. Pour éviter le conflit, l’homme a adopté la règle simple de la propriété, pour permettre d’anticiper (droit) et de les résoudre pacifiquement (justice).
« [C]e n’est que parce que la rareté existe qu’il y a aussi un problème de formulation des lois morales ; dès lors que les biens sont surabondants (biens « gratuits »), aucun conflit lié à leur utilisation n’est possible et aucune coordination des actions nécessaire. Il s’ensuit donc que toute éthique, correctement conçue, doit être formulée comme une théorie de la propriété, c.-à-d. une théorie de l’affectation de droits de contrôle exclusif sur des moyens rares. Car ce n’est qu’alors qu’il devient possible d’éviter des conflits autrement inévitables et insolubles. » – H-H. Hoppe
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