La propriété privée selon les libertariens contemporains #1
Bien que centrale à la philosophie libérale, la propriété reste souvent mal comprise.
Point de départ
Le concept de propriété, c’est-à-dire la propriété privée, est au centre de la réflexion des libertariens en matière de Liberté et de relations sociales. Plus largement, la propriété est le point de départ ou de référence de tout raisonnement ou de toute analyse d’une situation sociale sous l’angle libéral.
Or, bien que centrale à la philosophie libertarienne et libérale, la propriété reste souvent mal comprise, souvent du fait de la confusion avec les différents usages de ce terme dans la vie courante et dans les textes de loi qui l’ont altéré avec le temps. Cela conduit régulièrement à des confusions dans la lecture de certains textes libertariens, ou dans le sens des arguments en faveur de la propriété.
Un exemple fréquent tient au faux concept de propriété « publique », où l’on parle de l’objet de la propriété, mais pas du sujet qui la posséderait. La propriété « publique » n’est pas propriété, entre autres parce que le « public » n’est pas assez précis pour être un propriétaire valable et légitime.
Le but de ce texte est de proposer une synthèse raisonnablement complète mais abordable et relativement brève de ce qu’est la propriété au sein de la théorie libertarienne, sur la base des contributions éparses des auteurs phares en la matière que sont Murray Rothbard, Hans-Hermann Hoppe et Stephan Kinsella.
Trois parties le composent. Une introduction informelle replace la propriété au sein de la pensée libertarienne et tente de clarifier son rôle et son importance. Une section plus formelle pose ensuite un à un tous les principes qui fondent et motivent la propriété sous l’angle plus philosophique. Pour finir sur une série de sujets réputés difficiles ou extrêmes, pour montrer comment une meilleure vision de la propriété permet de les remettre dans le champ de la logique libertarienne habituelle.
La propriété privée est le pilier des libertariens.
I - Introduction Informelle
Sans encore entrer dans les racines théoriques la justifiant, et avant de la définir plus clairement, il convient de commencer en s’interrogeant sur ce qui socialement motive la propriété. Beaucoup avanceront que c’est le « droit naturel », tel que John Locke l’exprima, qui la fonde et suffit à la légitimer. Mais beaucoup aussi pourront opposer que ce qui rend légitime ce droit naturel lui-même n’est pas clair, sauf à aller chercher quelque dieu peu satisfaisant pour le rationnel. Le but de ce texte est notamment de répondre à cette question.
Si la Liberté est forcément individuelle, elle ne prend de sens tangible qu’à partir du moment où nous sommes au moins deux à en parler. Robinson ne peut être libre qu’une fois Vendredi arrivé ; avant, il était simplement seul. Or, dès que Vendredi arrive, il leur faut soit se battre pour le contrôle de leur île, soit choisir de se respecter l’un l’autre, et convenir d’un mode de décision quant à l’usage des ressources. Le droit de propriété n’est rien d’autre, il naît du choix des hommes de se respecter et de s’organiser.
L’objet de la propriété n’est pas la possession, ni de reconnaître la possession, mais de formaliser un droit, un accord, celui posant quel individu, dans « la société », est légitime à décider que faire d’une ressource matérielle. (On verra plus loin le cas des ressources immatérielles, intangibles.) Il s’agit d’un droit de décision, celui de décider librement d’agir sur, avec ou par cette ressource.
Pour finir avec les évidences de base, la propriété porte sur un objet, une ressource qui tombe sous le contrôle d’un sujet qui détient ainsi le droit de décider qu’en faire. À la base, ce sujet est toujours un individu, une personne individuelle, mais souvent les individus pourront passer des contrats ou simplement adopter des conventions, librement consenties et spontanées. Cela crée alors une propriété collective, appartenant à une personne morale, elle-même issue de ces négociations.
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