La Liberté Manifeste - Chapitre 2 #4
Les “droits de l’homme” sont des formes de droit positif, donc peu humanistes à mon sens. En revanche, le droit naturel est Le Droit de l’Homme.
(Suite de l’épisode précédent, ici.)
Iaenzen : Faut-il écrire le droit naturel pour qu’il soit droit ? Ou bien est-il oral ? Est-il écrit ou bien compris ? Et si non écrit, comment peut-on s’y référer ?
Stéphane : C’est une très bonne question, à nouveau, merci. Historiquement, le droit naturel est d’abord traditionnel, donc avant tout transmis oralement. On se souvient que le cœur du droit naturel se résume au principe de non-agression, donné plus haut. Ce principe est en essence la simple généralisation des Commandements, le “Tu ne voleras point” et le “Tu ne tueras point”, lesquels ont traversé les âges sans réelle formalisation juridique particulière, à part les “écritures”, bien sûr.
Cela dit, à partir de ce principe se construisent les contrats inter-individuels ou entre personnes morales. Si bien des pratiques de contractualisation existent qui se passent de l’écrit, à commencer par la parole donnée, il est bien clair que beaucoup, et peut-être de plus en plus de contrats sont passés sous forme écrite, le plus souvent pour pouvoir en effet se référer aux diverses clauses complexes convenues.
Contrairement au droit positif, le droit naturel n’a donc pas besoin de l’écrit pour être, être connu et être appliqué, même si l’écrit peut aider à le particulariser. De plus, le droit naturel est alors lu par ses parties prenantes, qui en connaissent les enjeux. Par contre, le droit positif, parce qu’il ne repose pas, ou au mieux marginalement, sur le principe de non-agression, doit être écrit pour être transmis et appliqué par des gens pour lesquels il n’a rien d’allant de soi et qui n’ont à aucun moment été parties prenantes de son établissement. Nul n’est censé ignorer le droit naturel. La loi, par contre, c’est une toute autre histoire, l’existence de l’expression est là qui le prouve.
Iaenzen : On rencontre parfois, en français ou en anglais au moins, le "droit" mis au singulier ou au contraire mis au pluriel, comme dans "le droit naturel" face aux "droits de l'Homme". Cette nuance a-t-elle une importance, selon vous ?
Stéphane : Absolument, c’est une remarque judicieuse, qu’on trouve d’ailleurs aussi chez la Liberté, que beaucoup éprouvent le besoin de découper en “libertés” plurielles et floues. Donc pour moi, de même qu’il y a la Liberté, insécable, il y a le Droit naturel, lui aussi insécable.
Ce Droit, dont le cœur est le principe de non-agression, qui bien sûr est singulier, se manifeste tout entier dans tout droit de propriété et plus exactement autant de droits de propriété qu’il y a d’objets de droit, d’objets ayant un propriétaire.
L’expression consacrée des “droits de l’Homme” révèle une conception pratique, presque terre à terre du droit. Le droit à ceci, le droit à cela, le droit de ceci, le droit de cela. C’est une vision positive qui se cache derrière ce pluriel, une vision qui ne repose pas sur un concept central ou englobant, là où le droit naturel est équivalent en toutes circonstances au jeu de principes introduits en début de chapitre.
Pour en venir à l’anglais, je constate que la Rule of Law a influé bien différemment sur cette question du pluriel. Ainsi, “the Law” ne se traduit pas par “la loi” mais bien par “le Droit”, “my rights” peut se traduire par “mon droit”, et enfin “the Rule of Law” par “l’état de droit” - et non pas par “État de droit”, bien sûr. Mais en anglais de même, il y a singularité de “the Law” et “the laws” sont plutôt la législation positive.
Mais peut-être qu’au final, votre question porte plutôt sur le singulier, l’unicité du droit naturel, je crois. Auquel cas, ma réponse sera limpide : Oui "le" droit, c’est Le Droit naturel, alors que par contre, penser le droit au pluriel, "les" droits, c’est le penser comme droit positif. La raison en est simple. Tout ce que nous avons dit sur Le Droit est universel, ne dépend en rien de la juridiction, du pays, de l’époque, des modes ni de la culture. Par contre, le droit positif est pluriel car il varie dans sa réalité selon toutes et chacune de ces dimensions à la fois, au gré des circonstances locales. Il y en a une infinie variété et c’est un des indices majeurs, d’ailleurs, de son illégitimité.
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