La Liberté Manifeste - Chapitre 2 #3
Si le communisme allait de soi, il aurait été adopté par l’humanité depuis des millénaires.
(Suite de l’épisode précédent, ici.)
Iaenzen : Si au final, le droit naturel est d’essence individuelle, comment les libertariens justifient-ils cette option plutôt que celle du collectif ? Quels fondamentaux philosophiques viennent au secours de la pensée libérale, ici ?
Stéphane : Clairement, comme je l’ai rapidement indiqué à la question précédente, le libre choix est une des pierres angulaires de la pensée libérale. Libre choix que d’autres pourront rapprocher du “libre arbitre”, mais je préfère “libre choix”, car le terme est plus nettoyé des scories religieuses attachées au concept de “libre arbitre”.
J’en profite pour rebondir : la pensée libérale n’a besoin d’aucun “secours”. Elle est la seule complète et cohérente, elle est indestructible. Ce sont les autres pensées qui ont besoin de l’attaquer pour masquer leurs faiblesses et incohérences propres. Si le communisme allait de soi, il aurait été adopté par l’humanité depuis des millénaires.
Iaenzen : Par ailleurs, on pourrait prendre l’exemple d’une véritable pandémie, vraiment sévère et grave, comme contexte qui donnerait matière à penser et légitimer une conception collectiviste du droit naturel. Quelle serait alors votre réponse à une telle vision ?
Stéphane : Que c’est une analyse très simplificatrice des mécanismes d’une pandémie, qui poussent ceux raisonnant ainsi à penser le droit et le fonctionnement social de la même manière, mais erronée. En effet, il ne suffit pas que le pathogène semble unique, comme une abstraction, ni de percevoir son champ d’attaque comme global et macroscopique pour que cela corresponde à sa réalité opérationnelle. Les deux années vécues sous la pseudo menace du coronavirus ont bien montré d’une part que la bestiole évoluait de manière non uniforme, et d’autre part que toutes les tentatives de projection globale de son évolution furent vaines.
Ce rappel à la complexité, et surtout à la réalité locale et décentralisée des modes opératoires et des facteurs de propagation d’un tel germe vise à contester la pertinence d’une analyse macroscopique et globale et donc des conséquences imaginées envers les invariants du fonctionnement social et du droit en jeu.
De manière générale, même la menace connue, reconnue et indiscutable d’un bolide céleste, dont le choc catastrophique avec notre planète serait annoncé et certain, ne serait pas non plus une raison valable pour remettre en cause le droit naturel. Cela parce qu’en période de telle crise, il serait encore plus important que l’initiative individuelle décentralisée soit libre et libérée, afin que la concurrence des idées et des initiatives des hommes puisse jouer à plein pour espérer trouver non pas la seule solution imaginée ou avalisée par une poignée de bureaucrates, mais la foule des idées qui combinées pourront donner les meilleures chances à chacun, aux humains.
L’humanité est passée par des catastrophes bien pires que cette “pandémie” durant sa longue histoire, à commencer par la considérable montée des eaux, il y a bien des millénaires, qui a dû engloutir des individus en nombre inimaginable. Elle y a survécu sans avoir recours aux théoriciens du droit positif ou de l’état d’urgence pour lui dire comment faire, pour collectiviser une solution unique. La réalité individuelle des hommes et de leurs actions est ce qui a permis leur survie alors et jusqu’ici.
Iaenzen : Stéphane, d’après vos réponses à mes questions précédentes, je peux déduire que vous défendez que : « a) aucune loi positive ne peut être légitime ; et que b) toute forme de démocratie, tôt ou tard, deviendra une autocratie (ou autre dictature). » Cependant, il existe une différence importante entre la démocratie et l’autocratie. Dans une démocratie, on respecte les lois, dans une autocratie, on craint les lois. La raison en est que dans une démocratie, les lois sont faites par une majorité absolue, et dans une autocratie, par une minorité absolue. Ne reconnaissez-vous, philosophiquement, aucune nuance « qualitative » entre une loi (bien que positive) agréée par la majorité d’une société, de celle qui en est répudiée ?
Stéphane : C’est comme d’habitude, une très bonne question, cher Iaenzen, merci. Comme souvent, je ne peux me contenter du simple “non” qu’appelle votre question, il me faut pour être complet aller chercher la réponse dans votre question elle-même.
Je crois tout d’abord que, lorsque vous opposez démocratie et autocratie, ou plus généralement dictature, vous ne semblez pas voir que vous mettez au même plan un type de régime, ou disons d’organisation sociale, la démocratie, et un cas particulier de celle-ci. C’est bien beau de parler de “démocratie”, mais ce mot décrit des régimes actuels et dans l’histoire tous très différents dans leurs détails, du fait que chaque fois leur droit positif se différencie dans ses textes. Ainsi, la démocratie française actuelle n’a déjà plus grand chose à voir avec celle de l’époque où Bastiat écrivait, autour de 1850. Réalisez que dans votre question, vous parlez de “la démocratie” comme si elle était unique et idéale, mais ce n’est en rien le cas.
La démocratie est un mécanisme général, un type abstrait de régime, et dans un même pays elle peut donner et a souvent donné des régimes concrets très contrastés. Il ne faut jamais oublier, par exemple, que Hitler fut un pur produit démocratique. La démocratie, de par sa nature, porte des régimes clientélistes et instables, dérivant tous et toujours vers plus d’étatisme. Je ne connais pas d’exception dans les faits à cette affirmation. La dictature est son aboutissement. La seule question qui reste est celle du chemin et de la vitesse que suivront sa dérive.
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