Table Jaune
Le 19 mars dernier, nous organisions la seconde “Table Jaune”, initiative pour faire mieux connaître les idées de Liberté d’une autre manière, plus directement, un peu à l’ancienne, In Real Life, avec l’occasion de discuter et échanger in vivo du sujet choisi.
Le sujet que nous avions retenu ce soir là, un peu provocateur mais pourtant pris en plein dans l’actualité, était : La Démocratie n’est pas la Solution ; Elle est le Problème.
Cet article en propose un exposé. Bien sûr, il ne remplace pas la dynamique des discussions, qui fit de cette soirée un excellent souvenir.1 Merci aux participants.
Caractérisation
Pour mieux comprendre la logique que je suis, je vais souligner les caractéristiques et institutions principales de la démocratie, de toute démocratie telle qu’on l’entend du moins dans notre époque “moderne”.2 Elles me permettront d’articuler les arguments.
Si l’on prend la démocratie telle que la DDHC3 (elle qui en est l’événement fondateur) nous l’a léguée,4 on peut regrouper ces institutions en trois catégories principales :
Légitimité : La DDHC pose comme principe, voire comme postulat, qu’il faut un Gouvernement pour agir au nom de la Nation, et que des mécanismes électifs en assurent la Représentativité. La “Nation” est première au yeux de la Démocratie.
Domaines du Pouvoir : Cette action de gouvernement est conçue comme une action de Pouvoir allant de la Nation vers l’individu, supposé représenté par ce gouvernement. Ce Pouvoir est bien connu pour prétendre être “séparé” en trois parties : Pouvoir Législatif – Pouvoir Judiciaire – Pouvoir Exécutif.
Matérialisation : Ce gouvernement et ces pouvoirs ne se matérialisent pas en un tissu de relations ou contrats inter-individuels, mais par des institutions bien concrètes : la Propriété Publique (le Pouvoir peut s’imposer sur absolument tout dans le pays) – la Fiscalité (le mécanisme de base d’alimentation du Pouvoir) – une Administration (l’armée de fonctionnaires qui donnent réalité à ce gouvernement).
Pas la Liberté
À partir de ce rappel en termes de structure, il convient tout d’abord de réaliser qu’il n’y a rien de fondamental dans la démocratie qui la différencie de la monarchie, et qu’au contraire, elle en a gardé la parfaite opposition d’avec la Liberté. Les deux mots clefs pour décrypter cela sont souveraineté et concurrence. Voyons cela.
Monarchie : Souveraineté d’un Monarque : Je suppose que ce point de départ ne soulève aucune discussion. Ce qui caractérisait un Louis XIV, c’est clairement le roi absolu, c-à-d le droit arbitraire envers tous ses sujets : LE souverain, unique.
Démocratie : Souveraineté de la «Nation» : Mais il en est de même s’agissant de la Démocratie, contrairement à ce qu’en dit le mythe. Revenons au Pouvoir Législatif : À partir du moment où le Pouvoir peut imposer sa loi à toute la “nation”, il a exactement le même pouvoir que le monarque. Aucune différence. La démocratie est un monarque aux mille têtes, mais elle est bien un monarque.
Liberté : Souveraineté de l’Individu : A contrario, la Liberté arrive lorsque les individus ne sont pas soumis à un souverain, fût-il la “nation”. La Liberté arrive lorsque chacun peut décider de ses actions sans devoir en référer à quiconque — ce qui ne veut pas dire ne pas devoir en supporter les conséquences, la pleine responsabilité, bien au contraire. La Liberté est la souveraineté de l’Individu.
Besoin de Fonctions Régaliennes : On m’opposera sans doute que la souveraineté de l’individu est un vain mot sans le fameux “état de droit”, c-à-d les fonctions régaliennes. Lesquelles exigeraient le monopole de la force légale. Seulement voilà, la Liberté, ce n’est pas le monopole, mais la Concurrence. Et c’est justement la concurrence qui fait la défense des individus envers la menace d’un abuseur.
Monarques Transitoires
Puisque voilà la démocratie caractérisée et différenciée de la Liberté, considérons maintenant sa dynamique dans le temps. Le point de départ consiste à voir que la seule différence significative entre monarchie et démocratie tient au cycle de vie de ses dirigeants, de ses institutions. Le monarque est en poste à vie, alors que les monarques démocratiques sont soumis au court terme du cycle électoral. Si un Louis peut durer 70 ans, le Manu moyen ne dure au pire que 10 ans. Et après un Louis vient un autre Louis, alors que Brigitte n’a pas prévu de descendance au petit Manu.
Dans les deux cas néanmoins, le tyran agira selon son intérêt personnel. Seulement, l’intérêt personnel d’un Louis n’est structurellement pas le même que celui d’un Manu.
Le Monarque voit le pays comme son capital : Louis prélève des impôts, c’est des impôts qu’il se nourrit. Mais il lui faut transmettre un pays riche à son fils : il fera en sorte de limiter la fiscalité pour ne pas ruiner son capital à donner en héritage.
Le Président voit le pays comme le voit un parasite : Manu sait que son temps est compté, il cherchera à maximiser son trésor. Mais sa priorité par contre sera de veiller à son intérêt électoral en masquant le mieux possible la spoliation menée.
Vers le Communisme
Dans cette dynamique de court terme, la dynamique électorale est le moteur du glissement de toute — toute — démocratie vers le communisme, plus ou moins vite. Elle se déroule inéluctablement en cinq étapes, sordidement déterminées par essence :
Chaque élection est un concours de promesses : Le Pouvoir Législatif n’aurait aucun intérêt politique s’il n’était l’arme de la promesse du changement continu, l’arme de la promesse électorale qui donne vie au clientélisme des politiciens. Dans un monde libre, ou même en royauté, il n’y a pas besoin de changer la loi.
Plus de promesses, c’est toujours plus de législation : Donc l’existence même du Pouvoir Législatif n’a d’intérêt que si le politicien s’en sert. Pouvoir implique promesses qui chacune se traduit dans une nouvelle loi qui s’ajoute aux autres.
Plus de législation, c’est plus de propriété publique : Mais chaque loi ajoute de la contrainte envers le Droit en place, elle réduit le champ du Droit naturel pour le remplacer par du droit positif. Une loi réduit donc le champ de la propriété privée.
Plus de législation, c’est plus de fiscalité et de dette : De plus, pour faire écho à mon premier point, la perte de propriété s’accompagne toujours de hausses de fiscalité et de fonctionnaires pour pouvoir faire appliquer ce champ de dirigisme.
Plus de propriété publique, moins de capital : Au final, on ne peut que conclure, le cycle électoral conduit à plus de lois, lesquelles se traduisent toutes par moins de propriété privée, plus de taxes et de fonctionnaires. Donc plus de communisme. CQFD.
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