La décroissance, réponse peu naturelle à une vraie question
Expliquons aux Décroissants qu’ils se trompent de combat, que lutter pour la Planète exige de lutter pour la Liberté.
« On peut d’ailleurs même dire que les ressources naturelles n’existent pas, aussi longtemps que quelqu’un ne leur a pas inventé une utilisation. Les vraies richesses ne sont ni matérielles, ni physiques. » – Pascal Salin
Peur d’une Terre affamée
Depuis des milliers d’années, les hommes sont partagés entre la crainte et l’espoir pour leur avenir. Demain est source à la fois de la crainte d’une mort qui se rapproche et de l’espoir que ce restant de vie verra ses conditions s’améliorer, ou du moins celles des prochaines générations. Depuis des milliers d’années, cette crainte est pour bonne partie liée à la menace de famine, toujours possible. Longtemps, la famine était due à une trop faible capacité à exploiter la terre, à une trop forte dépendance envers les aléas de la Nature.
Voilà que depuis un peu plus de deux siècles, avec l’arrivée du capitalisme et de la révolution industrielle, cette crainte de famine voit ses causes inversées : beaucoup craignent désormais que ce soit la Terre qui soit affamée par une population explosive et hors de contrôle, sans rapport avec les limites de notre Monde.
Les promoteurs de la thèse décroissante ont cette crainte et proposent d’y répondre par divers mécanismes visant à contenir, voire à infléchir, les croissances économique et démographique, pour ne jamais atteindre ce seuil de non-retour où notre planète s’épuiserait irrémédiablement à nous nourrir.
Même si cela ne devrait pas nous concerner dans l’immédiat, il serait peu responsable de ne pas reconnaître que cette question que nous pose la Nature – notre population finira-t-elle un jour par épuiser ses ressources et dès lors risquer de disparaître ? – mérite une réflexion sérieuse. Mais contrairement aux « Décroissants », il me semble que notre réponse dans le futur sera la même que celle que nous lui avons donnée par le passé : l’espoir quotidien que vit chacun de nous en de meilleures conditions futures nous mettra sur la voie.
L’erreur de Malthus
Même si elle possède de nos jours une multitude de facettes, cette question n’est pas nouvelle. Bien des auteurs s’y sont frottés, dont le plus célèbre est sans doute Malthus en 1798. Or Malthus s’est trompé, nous sommes là pour le confirmer, cela du fait d’une mauvaise appréhension des mécanismes en présence. Nous connaissons aujourd’hui – ou depuis – de nombreux autres Malthus qui le plus souvent se trompent de façon identique ou similaire. Soyons clairs, je ne dis pas que la question de notre avenir limité ne se pose pas dans l’absolu. Je pense par contre que beaucoup de ses analystes concluent à la catastrophe trop précipitamment, avec des conclusions infondées.
Beaucoup des personnes inquiètes de notre Planète et de notre devenir à sa surface pensent que l’humanité n’est pas assez attentive à ces questions, voire qu’elle porte en elle-même les facteurs de sa disparition. Ainsi, le système capitaliste serait un des premiers facteurs de nos soucis écologiques et durables. Bien plus qu’un juste diagnostic, c’est à mon avis la preuve que trop peu de gens comprennent le capitalisme. Et les enjeux en présence.
Car le capitalisme est un mécanisme social neutre, il n’est ni bon ni mauvais, il existe, il fait partie de nous, tout simplement. Sa découverte a objectivement contribué à notre sortie de cette famine primitive. D’ailleurs, tout le monde est capitaliste. Dès qu’on économise quatre sous pour acheter le moindre outil, tel un crayon, on est dans le capitalisme. Où est le mal dans un tel projet ? Ou bien, faudrait-il ne plus avoir de projets ? Ce serait la meilleure manière de retomber dans la plus profonde des misères bien avant que la Terre fût tarie.
Parmi les travers du capitalisme, la recherche du profit est probablement la plus vilipendée. Elle pousserait ainsi aux pires actes écologiques pour de sordides et vaines satisfactions matérialistes de court terme. Il me semble là encore que l’analyse est trop sommaire. Car le profit est un indicateur hautement social. Il a deux significations majeures : l’utilité et le besoin. Celui qui vend ses produits et récolte ainsi de forts profits ne vole personne : par l’échange libre, il rend un service contre une somme. Chacun y gagne. Mieux, le profit est d’autant plus grand que le produit rend service et que la demande est forte. Où est donc le mal là-dedans ?
Manque de propriété privée
Bien sûr, il existe des abus. Bien sûr, certains polluent. Mais cela n’est pas une question de profit, mais une question de droit mal respecté ou mal défini. Si une usine pollue une rivière, pourquoi le propriétaire de la rivière ne pourrait-il pas obtenir réparation ? La raison est hélas simple : nous vivons dans un système où trop souvent les rivières – comme beaucoup d’autres ressources sensibles – sont considérées comme des « biens communs ». Pour les protéger, paraît-il. L’état est alors appelé pour soi-disant assurer leur protection. Or l’état, pris entre le respect de la propreté de la rivière et l’augmentation des coûts de l’usine et donc du chômage, a vite fait de fermer les yeux sur la rivière. Et ne pas jouer ce rôle de protecteur que les naïfs croient possible.
Cet exemple simple illustre une des premières thèses des libertariens en matière d’écologie, et au-delà, de développement durable et du futur de notre système. Le problème ne vient pas du capitalisme, ni du profit. Il vient de l’état bureaucratique défaillant. Plus on pourra privatiser la Nature, mieux elle sera protégée, par les produits du capitalisme.
Société de surconsommation
Nous y reviendrons plus bas. En attendant et pour terminer ce tour des erreurs classiques d’analyse socio-économique, considérons les critiques de « sur-production », de « société de consommation », voire celles imaginant des biens qui seraient « superflus ». Elles reposent toutes sur l’erreur utilitariste anthropomorphique, c’est-à-dire que ses porte-parole raisonnent comme si l’humanité n’était qu’un ménage, une famille et se permettent de la juger du haut de leur insignifiance. Or l’humanité ne fonctionne pas comme une famille.
Dans une famille, la décision est claire. Le père, la mère, les deux, voire toute la famille, décident. Puis on passe à l’action. S’ils décident de se serrer la ceinture pour « sauver la planète »1 ils le font de manière explicite et unique, sur la base des données leur étant disponibles. Rien de comparable chez l’humanité – et c’est précisément ce qui fait sa force. L’humanité est décentralisée, c’est chacun de nous qui y décide, en continu, sans concertation, sans jamais disposer que de données partielles. Et pourtant, le (libre) marché – car c’est bien de lui qu’il s’agit, processus continu de prise de décision par l’échange – a réussi à nous mener jusqu’en 2022.
Ainsi, pour revenir aux biens « superflus » et leurs amis, ils ne sont qu’un jugement triplement erroné. En premier lieu parce qu’on se permet de juger à la place de l’humanité. De quel droit ? Quelle autorité pense donc incarner celui qui s’exprime ainsi ? Seconde erreur, cela suppose que le diagnostic malthusien serait fondé, ce qui est plus que contestable. Enfin, quel étalon objectif et incontestable peut-on exhiber pour mesurer le besoin (et surtout l’envie) d’autrui ?
Ressources pas si naturelles
Après le capitalisme et ses manifestations, la grande crainte de notre temps tient à l’épuisement des ressources de la planète. Alors on voit depuis quelque cinquante ans fleurir les grandes inquiétudes sur la question : réchauffement climatique anthropomorphique, développement durable, nucléaire, pétrole.
Avant de plonger dans l’angoisse du manque, celle du fameux « peak oil » qui scellerait notre récession mais qu’on constate être constamment repoussé dans le futur, il me semble qu’il faut revenir sur la notion même de ressource naturelle et de matière première. Or les ressources naturelles n’ont rien d’absolu, elles constituent même un concept tout à fait surfait.
Le Professeur Pascal Salin, dans son superbe ouvrage « Libéralisme », nous éclaire ainsi :
« C’est donc à tort qu’on accorde de l’importance à la possession de ressources naturelles pour évaluer les possibilités de développement d’une société. On peut d’ailleurs même dire […] que les ressources naturelles n’existent pas. En effet, elles ne jouent aucun rôle économique, c’est-à-dire qu’elles ne répondent à aucun besoin humain, aussi longtemps que quelqu’un n’a pas inventé une utilisation de ces ressources. Les vraies richesses ne sont pas matérielles et physiques, elles sont subjectives et les objets matériels ne sont qu’un support éventuel de l’activité intellectuelle et de l’action humaine. »
C’est d’ailleurs une des erreurs profondes de Malthus à l’époque. Il a oublié de prendre en compte l’innovation, donc le changement régulier de la nature des ressources essentielles, et l’adaptation sociale, celle qui fait que la natalité n’est jamais constante et tend à se réduire avec l’avancement de la civilisation.
Autrement dit, devant la raréfaction des ressources actuelles, il faut se garder de conclure trop vite à notre appauvrissement prochain. L’histoire et la logique montrent que l’humanité est bien plus sophistiquée et sait s’adapter bien mieux qu’il y paraît, en faisant évoluer son besoin et sa consommation en ressources à la fois en nature (technologie) et en quantité (marché). Mais pour le comprendre, il faut comprendre le marché.
L’offre et la demande viennent au secours
Ce dernier point, le rapport quantité et marché, mérite qu’on s’y attarde un instant. Car le mécanisme des prix est de loin la meilleure invention humaine pour contrôler la consommation des ressources. Mais qui s’en souvient ? Supposons le pétrole à un prix P correspondant à une offre O, laquelle est directement liée à son abondance et à la facilité de l’extraire. Si O vient à baisser parce que le pétrole se fait plus rare ou si son coût monte, P montera de même – simple loi de l’offre et de la demande. À partir d’un certain niveau de prix, la demande changera, certains n’ayant plus les moyens ou refusant de payer ce prix. Cette baisse de demande est le premier moyen de faire durer la ressource, dont la rareté croissante assurerait en réalité l’éternité.
Notons qu’il n’y a rien d’immoral à ce phénomène qui en effet prive les moins riches de l’accès à une ressource essentielle. Mais personne n’est en cause. L’humanité entière est à l’œuvre. Serait-elle immorale ?
Mais pendant que le prix monte et atteint des sommets, l’innovation est au travail. Plus le prix est haut et plus il devient possible de rentabiliser des énergies ou technologies alternatives coûteuses qui n’auraient pas pu se vendre si le pétrole était moins cher. Donc plus le pétrole se raréfie, plus la probabilité s’accroît de lui trouver des alternatives. C’est ce phénomène qui s’enchaînant de technologie en technologie nous a conduit à 2022.
Attention cependant. Pour que les mécanismes de marché fonctionnent, il faut que celui-ci soit libre, c’est-à-dire qu’il faut que les choix soient purement ceux des individus, libres de toute contrainte réglementaire venant déséquilibrer leurs options. Les fameux « dysfonctionnements » du marché sont toujours le produit d’un biais étatique, d’une intervention ou d’une loi qui sort le marché de sa fonction. Non, il n’y a pas d’exception.
Confier l’arbitrage à l’individu libre
Enfin, la question de la protection de la Nature et des ressources en général. On l’a vu rapidement plus haut, le sujet serait facile s’il n’y avait en permanence tension entre protection et exploitation. C’est tout le sujet de la Décroissance : vaut-il mieux protéger plutôt qu’exploiter ? Cet arbitrage n’est jamais simple, il existe des arguments des deux côtés. La réponse libérale consiste justement à ne pas apporter de réponse. Mais plutôt d’insister sur le processus qui permet d’aboutir non pas à la meilleure réponse, mais à la réponse la plus juste – ou la moins injuste. Le mécanisme assurant cette fonction existe depuis des millénaires – et depuis des millénaires, il permet de protéger la Nature dans le sens donné ici : il s’agit de la propriété privée.
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