Je ne suis pas libertarien, en fait
Contrairement au socialiste, dire «je suis libéral», c’est énoncer qu’on n’exige rien de l'autre.
« Il y a toujours eu, il y aura peut-être toujours, des gens opposés à laisser les autres tranquilles. Voyant la tendance humaine à l’erreur, ils sont poussés par leur bonté de cœur à dépasser ce défaut. » – Frank Chodorov
Rien de tout ça
En cette période électoralement chargée, on entend tout le monde se dire de droite, de gauche, républicain, socialiste, en marche, insoumis, lassallant, et j’en oublie.1
Chez les libéraux, nous sommes selon les cas nombreux à débattre âprement entre « libéraux », « classiques », minarchistes ou libertariens – et il en est même qui arrivent à se dire libéraux ou libertariens de gauche. La Liberté semble se décliner sous de nombreuses bannières, bien trop nombreuses...
Pour ma part libertarien, ou plus techniquement « anarcho-capitaliste », je voudrais mettre ce soir tout le monde d’accord, enfin : en fait, je ne suis rien de tout ça. Mais comment ça ? Deux secondes.
Il est en fait impropre de se dire libéral ou libertarien. L’expression en général veut dire que notre réflexion politique nous a finalement conduits, souvent après de longues lectures et de nombreux débats et échanges, à adopter la théorie politique – sociale et économique – favorable à la Liberté.
Mais cela ne change pas pour autant ce que nous sommes, ni ce que je suis. On devrait dire « je suis convaincu par la Liberté », ou « par le libéralisme ». Mais me direz-vous, à quoi bon un article pour une telle subtilité et nuance dans la langue ? Après tout, « je suis libéral » n’est qu’un raccourci.
Voleur, ou pas
Eh bien ce n’est pas si sûr, justement. Pour mieux comprendre, prenons l’exemple inverse du socialiste qui dit « je suis socialiste ». Ce personnage nous parle en effet bien de lui. Il nous dit non seulement qu’il croit aux balivernes pseudo théoriques promues par les leaders socialistes, mais aussi que lui-même assume ces idées qui, en essence, reposent sur le vol par redistribution d’autrui.
Notre socialiste nous dit, en somme : « je crois à la vertu du vol, je vole moi-même, ou du moins je recèle le vol mené par l’état en ma faveur ; j’assume pleinement cela et même j’exige de pouvoir vous voler encore. » Rien de moins.
Je pense que déjà vous entre-apercevez la différence avec le libéral véritable. Car celui-ci, pour sa part, nous dit : « j’ai compris que la théorie libérale donne une description juste et correcte de la réalité, qu’elle établit que la Liberté est le meilleur régime social possible ». Par contre, il serait assez curieux d’entendre : « de plus j’assume de ne pas demander à profiter du vol par l’état ».
En réalité, dire « je suis libéral », c’est afficher qu’on n’exige rien et qu’on reconnaît à l’autre le droit d’opter pour les idées et le système qui lui convient, tant qu’il ne vient pas fouler nos plates-bandes. On peut ainsi être « libéral » et pro-vegan, ou libéral et pro-OGM ou encore libéral et ermite.
Je ne suis donc pas libéral, je suis juste quelqu’un de normal qui fiche la paix aux autres. Et qui s’attend à ce que les autres fassent de même envers lui. Par contre, je suis fan de Hitchcock et des liens entre technologie et organisation.
Il y a je crois un modèle de société qui conviendra bien à cette vision du respect de chacun. Il consiste à défaire, à démanteler le pays jacobin et tyrannique en petits territoires peuplés de gens libres et respectueux, partageant des goûts et des affinités proches et une même idée de leur Liberté.
Nous sommes quelques-uns à appeler cela : « la décentralisation ». Et à croire qu’elle est notre avenir.
Stéphane Geyres, in #ÉclairsDeLiberté
Ce texte a été également publié sous forme de podcast, accessible ici.