Pourquoi le faudrait-il ?
J’ai une cousine que j’aime beaucoup, comme je suis sûr que vous avez la vôtre. Et j’aime ma cousine malgré ses idées bizarres en économie, comme la vôtre aussi a probablement des idées bizarres, voire des idées de gauche. Parmi ses idées bizarres, ma cousine pense sérieusement que nous devrions «soutenir l’emploi local». Elle va jusqu’à se mobiliser pour nous en convaincre. Mais pourquoi aurions-nous ce devoir ?
Comprenons-nous bien, je n’ai rien contre l’emploi local en soi. Si les gens habitant dans les environs pouvaient profiter tous ou presque d’un emploi, idéalement à leur compte, j’en serais sincèrement le premier ravi. Il est évident que l’intérêt de chacun de nous est de vivre dans un environnement proche où la dynamique de la prospérité économique est la meilleure et la plus développée possible. En plus d’une ambiance générale positive, cela tend à baisser les prix et à monter la qualité des offres de produits et de services, cela ne fait aucun doute. Mais on parle là d’un idéal, d’un rêve.
Privilèges
Car pour que l’emploi local puisse être source de prospérité pour tous, il y a deux conditions générales à remplir. La première, c’est que ces emplois ne soient pas factices. Par «factices», j’entends que ces emplois ne soient pas le résultat de quelque volonté ou action politique, de manière à ne pas disposer de privilèges faussant leur utilité sociale. Ou plus directement, de façon à ce que ces emplois soient une réponse spontanée d’entrepreneurs véritables à une demande qu’ils identifient et dont les profits témoignent de la réalité. Créer des emplois est facile, quand ils sont artificiels.
La volonté, comme l’action politique, peut se manifester de bien des manières, j’en retiendrai trois parmi les plus classiques pour illustrer : l’emploi fonctionnaire, l’emploi subventionné et l’emploi «créé» par une pseudo entreprise du giron étatique.
Fonctionnaire : Un emploi qui n’est pas financé par sa propre activité, qui ne produit rien et qui au contraire consomme les ressources des autres, productifs.
Subventionné : Là aussi, un emploi qui n’est pas intégralement financé par sa propre activité et qui vit sur le dos des autres. Comment un tel emploi pourrait-il mériter qu’on souhaite le conserver, puisqu’il nous coûte plus qu’il nous rapporte ?
Giron étatique : C’est une variante masquée des deux précédents, un emploi qui profite de statuts privilégiés et qui est en partie financé par la fiscalité. Nuisible.
Concurrence
La seconde condition sur nos emplois locaux, c’est qu’ils se trouvent bien en pleine concurrence sur le marché. Parce que seule la concurrence garantit la satisfaction du consommateur, donc l’utilité sociale de l’emploi. Ce point est sans doute important : ce n’est pas le politicien qui est porteur, ni instrument, de l’utilité sociale. Ce n’est pas en votant pour un politicien que l’on exprime ni que l’on insuffle de l’utilité sociale : l’utilité sociale est dans un meilleur bulletin de vote, le vote de chaque billet de 5 euros.
La concurrence est en fait rare dans ce pays. Par exemple, un viticulteur près de chez vous a des chances de produire son vin sous la protection d’une AOC ; un agriculteur a toutes les chances de mener ses activités sous l’égide de la PAC ; le garagiste qui fera le contrôle technique de votre voiture dispose d’une exclusivité d’activité via une habilitation ; votre médecin «de famille» est quelqu’un dont l’activité est interdite aux personnes inconnues de l’Ordre des médecins. Les exemples d’emplois qui font l’objet de mesures protectionnistes ou réductrices de la libre concurrence sont innombrables.
Comment peut-on alors avancer que ces emplois aient une quelconque utilité sociale ? Et si leur utilité sociale est suspecte, qu’est-ce qui pousse ma cousine et ses ami(e)s à vouloir toujours et encore plus d’emplois de proximité, à préférer en payer un tel prix ?
Continuez votre lecture avec un essai gratuit de 7 jours
Abonnez-vous à Lettres de Libéralie pour continuer à lire ce post et obtenir 7 jours d'accès gratuit aux archives complètes des posts.