Peut-on construire un monde sans état ?
Où comment une simple question montre combien nous sommes endoctrinés...
Soirée Débat
On me posait cette question comme prétexte d’une récente soirée parisienne. C’est le genre de question qui revient souvent, la Liberté semblant pour beaucoup du domaine de l’utopie : imaginer un monde libre serait quasiment fantasmagorique.
Cette question en appelait trois autres, qui serviraient de trame à l’entrée en matières :
Sommes-nous sûrs de comprendre le terme «état» tous de la même manière ?
Pourquoi faudrait-il construire quoi que ce soit ?
Le monde ne pourrait-il pas s’envisager avec et sans états ?
On trouve en général un accord sur la base d’un «état» défini comme «l’organisation revendiquant le monopole de la violence légale sur un territoire donné». Cette violence serait ainsi justifiée comme opposition autorisée à la violence criminelle, au sens large. Autrement dit, les fonctions régaliennes (police, justice, défense) exigeraient et suffiraient à justifier ce monopole de la violence. C’est la position libérale classique, minarchique, héritée de la DDHC (Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen).
Ce qui différencie un libertarien d’un libéral, c’est précisément de ne pas accepter cette définition de l’état. Plus exactement, de ne pas accepter que le monopole soit la seule option possible pour les fonctions régaliennes, ni que le monopole soit légitime.
Sans Etat
Clarifions tout de suite, quand on dit «sans état», on pense la plupart du temps aussitôt à «sans fonctions régaliennes». Mais cela ne correspond absolument pas à la position des libertariens. Il est bien clair qu’il n’est pas envisageable, il n’est pas possible de ne pas disposer de fonctions régaliennes dans une société libre, car une société libre est pacifique, sûre et civilisée. Mais pourquoi faudrait-il que le régalien échappe à la loi qui s’applique à toute l’économie, selon les libéraux, à savoir devoir subir la libre concurrence, celle qui pousse à la qualité ? Il n’y a aucune bonne raison.
Ce refus n’est pas un simple caprice, dites-vous bien. Il s’agit au contraire de répondre à Juvenal qui à l’époque de Rome nous demandait déjà «Qui gardera les gardiens ?» La réponse est dans la libre concurrence : que les gardiens soient gardés par tout le monde et par personne à la fois ! La libre concurrence correspond à ce besoin. Le libre marché des fonctions régaliennes est donc la réponse libertarienne à cette énigme.
Ainsi, notre question de départ devient plutôt :
Peut-on construire un monde sans (aucun) monopole ?
On a déjà compris que la réponse sera «oui».
Construire
Ensuite vient le «construire». Il est assez facile de s’imaginer «construire» un monopole, ou des privilèges, plus généralement. Il suffit pour cela d’instaurer une loi, peu importe comment : personne n’avait de monopole, une loi est adoptée et voilà que certaines personnes obtiennent ce monopole de par la loi. L’autorité a… l’autorité pour engendrer une nouvelle… autorité. Le monopole est toujours le fruit de la législation.
Il est par contre bien plus difficile d’imaginer «construire» la libre concurrence. Il y a libre concurrence, ou sinon, c’est qu’elle est interdite, ou limitée, ou contrainte. Il est bien sûr possible de revenir à la libre concurrence, typiquement en abrogeant toute la législation qui lui faisait obstacle. Mais par contre, on ne peut pas construire ni établir la libre concurrence, personne ne peut. On ne peut que la rétablir puis la laisser faire.
Voilà notre question de départ qui évolue encore, pour devenir :
Peut-on rétablir (et laisser faire) un monde sans (aucun) monopole ?
La réponse, sans surprise, reste un «oui».
Monde Libre
Enfin, on envisage «le monde» libre, ou rien. Mais est-ce vraiment le seul chemin ? Est-ce même la seule destination ? Pourquoi ceux qui ne veulent pas de la Liberté devraient-ils subir le monde libertarien, et les libertariens subir leur monde étatisé ? Les libertariens exigent leur Liberté, ils l’espèrent et la proposent aussi pour tous les hommes. Mais pour autant, ils ne sauraient la leur imposer. Libertarien, pas dictateur.
Ce que demande le libertarien, c’est de pouvoir dire «non». De pouvoir dire «ce sera sans moi». De sortir du système, parmi les autres ou sur un territoire en propre, peu importe. Ce ne sont là que des détails de mise en pratique, qui tous ont été étudiés.
Finalement, notre question, qui laisse déjà entrevoir sa réponse, devient :
Peut-on rétablir (et laisser faire) des espaces sans (aucun) monopole ?
Si l’on peut tomber d’accord sur cette nouvelle question, il devient possible de partager diverses visions quant au «comment faire» ainsi qu’au «comment y vivre».
Continuez votre lecture avec un essai gratuit de 7 jours
Abonnez-vous à Lettres de Libéralie pour continuer à lire ce post et obtenir 7 jours d'accès gratuit aux archives complètes des posts.