On a tous besoin des libertariens
Libéralie permet aussi à d’autres modèles de tenter leur chance. Voyons comment.
« Dans n’importe quelle société, la propriété est une institution économique centrale ; dans une société libre, la propriété privée est l’institution centrale. »
David Friedman
Les tas de confusion
Les libertariens sont souvent perçus comme extrémistes, y compris, voire surtout, par les autres « libéraux » qui préfèrent alors à la société privée, ou anarcapie, des sociétés dans lesquelles diverses formes de structures étatiques persistent – on pense aux myriades de minarchistes de diverses nuances.
Rappelons que la société libertarienne, ou société privée, n’est pas une société sans état comme on l’imagine parfois, car le mot « état » porte en lui une confusion. Un état, si je me réfère à Max Weber, est une organisation qui, sur un territoire donné, y détient le monopole légal de la force, ou de la contrainte, de la violence légale, si l’on préfère. Mais dans notre pays, on use aussi très souvent du terme pour exprimer le pouvoir régalien. Il y a ainsi deux choses très différentes dans ce mot : une fonction, le régalien, et un organe qui dispose du monopole de la contrainte pour – hypothèse officielle – assurer le régalien.
À cette lumière, la société privée, l’anarcapie, n’est pas sans état, au sens où bien évidemment elle a besoin et elle dispose des fonctions régaliennes pour son sain fonctionnement. Par contre, elle est libre, elle s’est donc libérée de la contrainte en supprimant le monopole oppresseur accordé à un organe unique.
La société privée laisse donc libre la manière de mettre en place les fonctions régaliennes. Dès lors, tous les modèles possibles se trouvent mis en concurrence. La théorie prévoit que le capitalisme privé et concurrentiel étant toujours plus efficace et plus juste que les modèles « publics » ou « étatistes », ce soit la solution privée qui « gagne » et perdure à long terme. Autrement dit, in fine l’anarcapie se trouvera partout. Libéralie est la base de l’organisation de la société de Liberté.
Choisir la Liberté pour la non-liberté
Libéralie, l’anarcapie, permet aussi à d’autres modèles de tenter leur chance. Voyons comment. Imaginons un territoire libre où la communauté locale déciderait qu’une forme de minarchisme lui convient mieux. Et ces gens de convenir, librement, que désormais sur leur territoire, il y aurait un « état », un organe monopolistique donc, en charge de certaines fonctions régaliennes. Pourvu que cela résulte réellement d’un choix consenti par tous unanimement, la Liberté n’y aurait rien à redire.
De même, une autre communauté, ailleurs, pourra choisir d’opter localement pour une « démocratie libérale ». D’autres encore pour une anarchie socialiste et d’autres encore pour une expérience communiste. Je précise que je suis convaincu de l’échec de telles expériences à long terme, mais ce que je souhaite souligner c’est que l’anarcapie permet d’organiser ces libres choix sociaux, localement et au sein de territoires qui chacun est libre de son choix local, pourvu qu’il soit unanime.
Mais cela ne marche pas dans l’autre sens. Une minarchie ne permet pas à des anarcapies locales de s’organiser, alors qu’une anarcapie globale rend possible la minarchie localement. Ainsi les « libéraux », dans leur infinie variété de préférences, devraient-ils comprendre que la meilleure manière de faire voir le jour à la société « libre » (ou pas libre) de leurs rêves, c’est en aidant les libertariens à privatiser ce monde, de le rendre à la société privée.
Car elle seule porte en germe toutes les autres formes de sociétés, toutes moins libres que l’anarcapie, mais dont la coexistence pacifique est seule rendue possible par un monde aux fondations libertariennes. Alors, libérons le monde, vraiment.
Stéphane Geyres, in #ÉclairsDeLiberté