Nation et Liberté
La nation n’est pas un tout. C’est un panachage, une fusion, un patchwork.
Notion de nation
Les récents débats sur l’immigration ont contribué à mettre en avant un concept corollaire et extrêmement mal cerné, celui de la “nation”, beaucoup craignant qu’une immigration trop forte soit de nature à dénaturer (!) la “nation française” – ou allemande si nous étions en Allemagne. Les conservateurs sont, sur le paysage politique, parmi ceux qui sont habituellement les plus attachés à la nation et à sa préservation, prenant dès lors des positions plutôt radicales en matière d’immigration. Là où les choses deviennent moins claires, c’est lorsque les « libéraux-conservateurs », terminologie obscure pour le libéral que je suis, montent également au front pour crier à la patrie-nation en danger.
Le concept de nation fait partie de ces notions dont les contours ne sont pas découpés au scalpel. Chacun comprend la nation à sa manière, tout en tombant plus ou moins d’accord avec celle du voisin ou de la voisine, mais pas toujours. Souvent, la nation fait appel à des concepts proches, tel le pays, le peuple, l’état, la culture, la langue, le territoire ou encore l’histoire, sans pour autant les regrouper tous.
Demander à quiconque de définir clairement le mot “nation” et comment il se distinguerait de ces autres termes a le plus souvent vite fait de mettre l’interlocuteur dans l’embarras. Cela finit par des “vous voyez bien ce que je veux dire”. Eh bien non.
Définition, défi nation
Lors de la première version de ce texte, Wikipedia proposait d’ailleurs deux définitions, c’est dire si le terme est libre d’ambiguïtés : a) « [le concept de] nation est assez proche de celui de peuple, mais ajoute souvent l’idée d’état-nation » et b) « une communauté humaine identifiée dans des limites géographiques parfois fluctuantes au cours de l’histoire, mais dont le trait commun supposé est la conscience d’une appartenance à un même groupe.» Dans la version actuelle, on retrouve cette bivalence ainsi : « un peuple est une multitude d'hommes, vivant dans le même pays et sous les mêmes lois. Une nation est une multitude d'hommes, ayant la même origine, vivant dans le même État et sous les mêmes lois. ». Deux notions différencient ainsi pour l'auteur la nation du peuple : l'État et l'origine.
On retrouve cette dichotomie sur Wiktionary (au passage, notons qu’il y a pas moins de 8 sens différents donnés par Wiktionary, ce qui est indicateur de la précision du terme !) : 1) « ethnie, peuple, communauté humaine qui possède une unité historique, linguistique, culturelle, économique plus ou moins forte,» et 5) « État dont se dote un peuple ou un ensemble de peuples.» Mais la 6ème est tout aussi intéressante car quasiment inverse : « Ensemble des citoyens considérés comme constituant un corps social distinct du gouvernement qui les régit.»
La première définition, avec sa collusion entre état et nation, ne peut convenir – s’il y avait équivalence entre état et nation, pourquoi les différencier dans les termes ? Un Français vivant au Québec cesse-t-il d’être Français ? L’état français de Vichy nous a douloureusement appris combien état et nation pouvaient diverger. Par contre, une nation, c’est en effet proche d’un peuple, mais ce peuple peut avoir été façonné par l’histoire et ne pas être homogène, nous le voyons aujourd’hui.
La seconde définition est plus géographique, elle évite cet écueil de l’état grâce à cette astuce. Elle a aussi l’avantage de s’articuler autour de la conscience d’appartenance, même si cela reste à un niveau global. Mais que dire des diasporas du monde ? Les Français de l’étranger, parce que hors du territoire national, ne seraient-ils pas parties prenantes de la nation ?
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