Mosaïque, Protectionnisme & Innovation
Plus un pays, plus un état est grand, moins il se développe.
Bigger Is Better
Dans le champ économique, certains mythes ont la peau dure. Parmi ceux-ci, il y a le «Bigger Is Better» : pour mieux résister à la concurrence, internationale, celle de la Chine ou de l’Inde par exemple, pour une meilleure performance, une entreprise doit croître et devenir “grande”, industrielle. Et “son pays” doit donc l’aider à le devenir.
À travers cette croyance, cet exemple, je souhaite revenir sur ce mythe qui souvent à gauche — voire chez la droite qui est gauche — associe “capitalisme” à “grandes entreprises”, donc libertariens à “grandes entreprises” et au diable dont on les habille.
Automobiles
Quand on pense de nos jours à des manufacturiers d’automobiles — Peugeot, Ford, Mercedes, Toyota etc. — on pense aussitôt à d’immenses groupes multinationaux et à leurs manufactures immenses — exemples ici, ici et ici.
Il est alors tentant de se dire que c’est le jeu de la concurrence et de la productivité qui, sur un siècle ou plus, a de proche en proche concentré les manufactures et les marques, peu nombreuses, autour de quelques usines immenses, seules à même de répondre à la demande mondiale de véhicules encore renouvelés — mais pas vraiment.
Pourtant, certaines marques existent de nos jours qui sont de taille bien plus réduite — Lotus par exemple — parce qu’elles ont fait d’autres choix stratégiques de marché.
Il n’est donc pas absolument indispensable, pour produire des voitures et en tirer profit, d’engloutir des sommes colossales de capital dans des usines tout aussi colossales. De plus, pour prendre l’exemple de Peugeot (créé en 1896 à Sochaux), 125+ ans dans le même métier, cela donne de l’expérience, mais cela crée aussi des rigidités.
Stagnation & Rigidités,
Ainsi quand on a tant investi dans une usine à voitures, qu’il faut produire des tonnes de voitures pour en amortir l’investissement, puis le suivant, puis le suivant, avec aussi des milliers d’emplois à la clef, il y a peu de chances qu’on soit heureux à l’idée que, soudain, le marché de l’automobile s’effondre. On ne peut guère se le permettre.
Or en 125 ans, les progrès technologiques furent énormes, y compris en aéronautique. Le niveau de vie a fort augmenté — et aurait dû augmenter bien plus encore, si l’état n’y avait pas mis son grain de sel. Dans un contexte de vraie concurrence, et vu les sommes encore plus colossales que coûtent les routes et autoroutes, ont aurait vu le développement d’engins aériens — hélicoptères, drones, aérogires etc. — pour prendre la place d’une bonne partie des automobiles. Finies les routes, vivent les airs.
Ce marché aurait été un renouveau pour les manufacturiers. Pourquoi le boom de l’hélico n’a-t-il pas eu lieu ? Surtout, pourquoi les manufacturiers ne pouvaient-ils guère en prendre le virage ? Parce que leur capital énorme était condamné à stagner. Parce que tant de capital investi fait autant de rigidité pour aller sur d’autres marchés.
Innovation Etouffée
De telles innovations manquées se rencontrent dans bien des domaines. Dans le secteur de l’énergie nucléaire, autre énorme consommateur de capital, les sommes englouties concentrent tous les investissements dans la chaîne de l’uranium, plus de centrales appelant à concentrer l’innovation plus encore, captive, sur cette ressource.
Pourtant d’autres ressources et technologies existent, y compris des technologies — connues depuis des décennies — hors du champ de l’uranium. Le thorium est ainsi une alternative connue depuis longtemps, mais son émergence mettrait à mal toute l’industrie en place. Les industriels, mais aussi les états sensibles au chômage, ne sont pas en mesure de faire face à une éventuelle concurrence de rupture dans ce domaine.
Micro / Macro Capitalisme
Le capitalisme ne mène pas forcément à la grande multinationale. L’apparition d’une multinationale de marché de masse planétaire résulte de choix stratégiques. D’autres choix sont possibles, et l’exemple de Lotus — et tant d’autres marques, telles de luxe — suffit à montrer que ces choix d’une niche peuvent être profitables et pérennes.
Le macro-capitalisme est adapté à de la production de masse. Il s’est justifié pendant longtemps quand le monde devait être équipé et que les produits restaient compétitifs pendant assez longtemps. Mais la durée de vie des produits se réduit, inexorablement.
Le micro-capitalisme semble de prime abord moins adapté à la production de masse. Par contre, il est structurellement plus souple, plus adaptatif. Changer d’orientation et passer de la production de voitures à celle d’hélicoptères coûte bien moins en valeur absolue, les cycles d’adaptation sont forcément plus courts, l’entreprise plus réactive.
De plus, j’ai dit “de prime abord”, car pour obtenir la même capacité de production que les grandes marques, il suffit que les petites structures se multiplient les unes les autres un peu partout, plus ou moins en parallèle. Le capitalisme n’a pas à être énorme, il lui suffit d’être nombreux, mosaïque, décentralisé au lieu d’être centralisé.
Continuez votre lecture avec un essai gratuit de 7 jours
Abonnez-vous à Lettres de Libéralie pour continuer à lire ce post et obtenir 7 jours d'accès gratuit aux archives complètes des posts.