Libéralisme contre collectivisme - Prisme viral
On condamne le libéralisme au nom du collectivisme, alors que vivre le collectif n’est possible que dans le libéralisme.
La Rébellion
(Nous sommes en décembre 2020.)
Face à l’épidémie de coronavirus, le gouvernement français a pris des mesures coercitives. Obligation de port du masque, interdiction d’aller au restaurant, confinement, attestation de sortie, etc. Un mouvement de contestation s’est fait jour. Il reprend l’argument de la Liberté, jugeant les mesures gouvernementales liberticides. Tel Nicolas Bedos, qui appelle à « vivre coûte que coûte », en écho au « quoi qu’il en coûte » qui décida de tout.
LIBERTÉ COLLECTIVE
Ce mouvement est critiqué pour son attitude irresponsable. Ne pas respecter les ordres de l’état mettrait la collectivité en danger. C’est l’objet par exemple d’un article du Huffington Post, qui a pour particularité de distinguer entre une Liberté « définie comme une absence de contraintes, d’obstacles » , qui serait de l’égoïsme, et une « liberté responsabilité ». L’article en appelle à Sartre :
« Afin de mieux comprendre en quoi la liberté, en société, ne peut se concevoir uniquement à travers un prisme individuel, on peut se tourner vers Sartre, qui distingue, comme l’explique auprès de Philomag le professeur de la New York University, François Noudelmann, « deux types de liberté: une liberté d’indépendance qui consiste à agir dans l’ignorance volontaire des circonstances, et la liberté de responsabilité, qui assume toutes les contraintes de la situation. »
« Pour Sartre, notamment, la liberté absolue va de pair avec la responsabilité absolue. C’est parce que l’homme est libre qu’il est responsable (…) nos actions et nos choix impactent les autres qui nous entourent, et c’est précisément parce que ces actions sont libres que nous devons répondre de leurs conséquences », abonde Mélissa Fox-Muraton, docteure en philosophie et chercheuse à l’ESC Clermont, dans une tribune sur Le HuffPost.
Vous l’aurez compris, la liberté est interactive et interindividuelle; elle va également de pair avec la responsabilité de nos actes. Être libre signifie être aussi responsable. Et c’est parce que nous sommes des êtres dotés de liberté qu’il nous incombe une responsabilité. En temps de crise, même si nous restons libres de respecter ou enfreindre les règles et lois, nous avons une responsabilité individuelle face à la crise sanitaire. »
Sartre, un timbré de la Liberté ?
LIBERTÉ RESPONSABLE
Ainsi, appliquée à l’épidémie du SARS-Cov-2, la liberté responsable consisterait à suivre les règles sanitaires édictées par le gouvernement. Aveuglément. Aller à l’encontre de ces consignes serait de l’égoïsme, car cela mettrait autrui en danger. On voit tout de suite l’anomalie dans ce raisonnement : on présuppose que les consignes gouvernementales sont « responsables ». On présuppose qu’elles sont utiles face à l’épidémie. De là découle le raisonnement que revendiquer la Liberté de ne pas les respecter serait irresponsable. Mais le gouvernement est-il, peut-il être responsable, infaillible ?
Or, ce mouvement, bien que se revendiquant de la Liberté, est avant tout un mouvement de contestation contre ces mesures gouvernementales, qu’il ne juge pas pertinentes. Tout ce raisonnement à propos d’une « liberté responsable » sert en fait à éviter tout débat sur la pertinence des mesures gouvernementales. Elles seraient acquises par principe, Sartre aurait réglé la question. Nous sommes en plein sophisme.
Cette rhétorique illustre bien le rapport à la Liberté tel qu’il existe en France. La Liberté est une valeur positive, légiférée. Elle est revendiquée telle. Mais la doctrine classique de la Liberté, le libéralisme, où la Liberté, négative, ne vient pas des lois, est conspuée, condamnée. On l’accuse de propager l’égoïsme, la domination des puissants sur les faibles, tous les défauts du monde. Mais, prudence, on ne saurait être aussi direct avec le mot Liberté. Alors on invente des pseudo-théories pour dénoncer la Liberté individuelle au nom de l’intérêt collectif.
Il y a deux notions dans cette critique de la Liberté. Il y a la relation entre Liberté et égoïsme, et par extension, la relation entre la Liberté et la vie en collectivité. Puis, il y a la notion de responsabilité collective. Ou d’intérêt collectif. La Liberté s’opposerait au collectif, à l’intérêt du collectif, de l’ensemble des individus, sauf à être « responsable ». Examinons ces notions.
La Liberté ferait de nous des égoïstes ?
Liberté et Égoïsme
L’affirmation de Sartre, car on ne peut certes pas parler de raisonnement, sur la Liberté est intéressante par son absurdité. Sartre oppose une Liberté « d’indépendance », à une Liberté « responsable ». Mais qui décide de ce qui est responsable ? Les affirmations de Sartre sont utilisées pour dénoncer ceux qui s’opposent aux consignes gouvernementales concernant le coronavirus. Donc, n’importe qui peut édicter ce qui doit être considéré comme une attitude responsable. Ce qui peut mener au totalitarisme. Nous avons donc une définition de la Liberté qui peut mener au totalitarisme, car la notion de qui décide de ce qui est responsable est floue.
Il est nécessaire de faire preuve de plus de rigueur et de logique dans l’analyse. Qu’est-ce que la Liberté ? C’est ce qu’il faut analyser en premier, avec rigueur et logique. La Liberté, c’est un droit rattaché à chacun d’entre nous, à chaque individu sur la planète, et dans l’univers même. C’est ce que Benjamin Constant appelle un droit naturel. Il réside dans l’idée que chacun a le droit de faire ce qu’il veut de lui-même, et, conséquence logique, de ce qu’il possède. Il y a liberté d’action, d’opinion, d’expression. Elles en découlent, sont de même nature. Chacun est maître de sa vie.
NE PAS INITIER LA VIOLENCE
La conséquence de ce droit naturel, c’est que personne n’a le droit de me forcer à faire ou à accepter quoi que ce soit. Comme la Liberté s’applique à chacun, personne n’a le droit de forcer autrui à faire ou à accepter quoi que ce soit. Tout le monde peut critiquer tout le monde, tout le monde peut maudire tout le monde, mais sans exercer de violence sur quiconque, car quiconque aussi a droit à la Liberté : nous sommes tous le quiconque d’autrui. Enfin, si quelqu’un essaie d’imposer sa volonté à autrui, la légitime défense s’applique en réaction.
Donc, parce qu’individuelle, la Liberté est celle de tous. Pour être reconnu libre, tout individu libre se doit de reconnaître la Liberté d’autrui. Donc, déjà, l’idée que la Liberté serait une personne imposant sa volonté à autrui, par pur égoïsme, est absurde. C’est parfaitement impossible dans une société libre. Ce serait en fait la dictature d’une personne. Cette idée se heurte au fait que chacun, et donc tout le monde, est libre. L’idée de liberté indépendante d’autrui est illogique. Sartre est illogique.
Si l’enfer c’est les autres, c’est pourtant de ces autres que vient ma Liberté et que peut venir mon paradis.
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