Le changement dans la continuité
Le progrès est-il vraiment toujours un progrès ? Qui donc le sait le mieux ?
La démocratie en question
Je déjeunais il y a peu avec une amie à l’intelligence certaine, membre éminente d’un cabinet international de conseil en stratégie, avec laquelle j’ai régulièrement le plaisir d’échanger nos vues parfois divergentes en matière de conception de la société et de la liberté. La discussion porta cette fois sur le principe même de la démocratie, qu’elle défend quand, inversement, je la vois (la démocratie, of course) comme le vecteur principal de déchéance de l’Occident et de la liberté qu’on lui associe pourtant souvent.
Curieuse d’esprit, mon amie – nous l’appellerons Sylvie, comme ça, voilà – Sylvie donc est par ailleurs sur une douce pente d’apprentissage des idées libertariennes, ce qui nous vaut bien des débats. Et dans ce processus, je lui expliquais mon opposition au concept de vote comme mécanisme d'arbitrage idéal et adapté à la vie politique et à la liberté. En effet, le vote, quelles qu’en soient les modalités pratiques, vient du principe qu’une décision peut être prise de cette manière puis imposée, même à ceux qui n’ont pas voté du tout ou qui n’ont pas voté en sa faveur. Or dans une société libre, nul ne peut se voir imposé quelque décision que ce soit qu’il n’aurait pas explicitement et volontairement acceptée. Une manière de résumer l’opposition entre liberté et démocratie consiste ainsi à mettre face à face le droit de vote et le droit de veto, ce dernier garantissant la liberté individuelle quand le vote prétend donner légitimité à une majorité.
La réaction de Sylvie à mon exposé de l’opposition vote vs veto fut vive et passionnée. Son argument fut clair et incisif et son sourire taquin me montrait qu’elle était convaincue de sa justesse : le problème du droit de veto, c’est que cela donne le pouvoir à ceux qui ne sont jamais d’accord avec rien et que cela empêche toute évolution sociale et tout progrès, notamment technologique. Il faut que je précise que par métier, Sylvie aime aider les entreprises à aller de l’avant en matière technologique ; elle a donc une certaine sensibilité envers cette notion de progrès et de changement. Quoi qu’il en soit, selon Sylvie, la démocratie se justifierait par le besoin d’une collectivité, d’une société, d’avancer technologiquement, réglant ainsi tant de problèmes sociaux - et il est vrai que bien des avancées récentes nous sont venues par la technologie. Par contre, l’idéal d’unanimité présenterait, selon elle, une impossibilité structurelle à répondre à ce besoin. Ce ne serait donc plus la liberté qui éclaire le monde, mais le progrès.
Je lui demandais alors quel lien elle faisait entre vote et progrès, en lui rappelant que l’essentiel du progrès technologique nous vient par les entreprises nous proposant des produits et services toujours améliorés ou nouveaux sur le marché, jamais par le vote démocratique. En réponse, elle me soulignait qu’au-delà, il demeure que le gouvernement est là pour "gérer" et ainsi prendre une foule de décisions où chaque fois, mon cher droit de veto viendrait en blocage probable, rendant cette "gestion" laborieuse pour ne pas dire impossible.
Quand "la France" se prend pour un stratège en technologie...
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