Faire sécession chez soi - Introduction
On me dit que faire Sécession, c'est impossible. Alors j'ai décidé de la faire.
Résidence
J’habite une «résidence», un lotissement semi-privatif de quelques 280 maisons. «Semi-privatif», cela veut dire que chacun est propriétaire de sa maison et de son terrain, que l’espace de l’ensemble est régi par l’association des propriétaires et par un règlement intérieur, auxquels on souscrit lorsqu’on s’installe dans la résidence. Bien sûr, «semi-privatif», c’est aussi pour rappeler que le seul vrai propriétaire, c’est l’état français.
Un havre, relatif, de tranquillité en marge de la folle région parisienne. Mais un havre qui subit, comme le reste de ce pays, des lois toujours plus stupides et coercitives, une fiscalité dépassant toute mesure, et une insécurité qui pointe son sombre nez.
Dans sa grande majorité, la population est dans ces tranches de revenus où la fiscalité est un mot qui donne de l’urticaire plutôt que du bien-être, où le niveau de vie suffit pour attester des larges services rendus, par le passé et encore, à nos contemporains.
Cette résidence est donc d’ores et déjà organisée, dans une certaine mesure, en un territoire clos, aux accès limités et contrôlables, de propriété privée et associative, avec de nombreux intérêts à sortir de l’oppression exercée par le régime démocratique.
Il m’est donc venu l’idée de vous raconter comment nous allons quitter l’arrêt public. Cela va prendre du temps. Il y aura donc plusieurs épisodes à cette histoire. Stay tuned.
Le Projet et ses Enjeux
Avant de me lancer dans les divers chapitres de cette histoire, il me paraît nécessaire d’expliciter les enjeux et les obstacles d’un tel projet. Parce que cela guidera mon action et mon histoire, mais aussi parce que cela pourra, j’espère, guider votre action.
J’en ai identifié une petite dizaine, il y en aura sûrement d’autres qui se feront jour en chemin. Pour l’instant, je sais que je devrai écrire une page de l’histoire pour chacun de ces volets. N’hésitez pas, en commentaire ou autre, à m’en suggérer d’autres.
Motivations
La première des choses à réussir, c’est de bien faire prendre conscience chez mes voisins de leur intérêt sans doute possible à adopter la sécession pour leur avenir. Les arguments sont connus et ne manquent pas, surtout en France — fiscalité, inflation, législation, oppression, santé, niveau de vie, perspectives d’avenir, enseignement etc. L’enjeu sera de leur faire réaliser que le jeu en vaut la chandelle, qu’ils sont gagnants.
Unanimité
Ne l’oublions pas, si «la démocratie est le droit de vote, la Liberté est le droit de veto». Il n’est donc pas question, pas envisageable, d’imposer la sécession à la copropriété. Au contraire, il s’agit d’obtenir l’adhésion de tout le monde, sans exception. Ou alors, on pourrait imaginer couper la résidence en deux — mais je ne prendrai pas cette voie.
Convaincre
Il me faut donc me préparer à convaincre chacun de mes 280 voisins des bienfaits de la sécession de notre résidence. Cela prendra du temps, cela ne se fera que pas à pas, porte après porte. Développer les stratégies et les arguments pour convaincre sont une part essentielle de ce projet — peut-être plus que le résultat lui-même.
Décentraliser
Bien sûr, il nous faudra à terme nous confronter à la “puissance publique”. Il ne serait guère malin d’adopter la brusquerie, car la force n’est pas avec nous. Nous manquons de jedis, dans ma résidence. Une manière douce consiste à gagner la confiance du maire, voire du député local. Pas tant pour avoir leur soutien que pour éloigner leur méfiance. Et pour leur rappeler que 280 foyers, aux élections, cela compte beaucoup.
Anticiper
Cela semble une évidence, mais une des clefs d’un tel projet consiste à éviter d’être pris par surprise. La pire des surprises, c’est une descente des forces armées dans la résidence pour remettre tout le monde “dans le droit chemin”. L’autre mauvaise surprise, c’est de soudain ne plus pouvoir subvenir aux besoins vitaux des résidents.
Se Protéger
Sur le premier point, il faudra, peu à peu et en toute discrétion, organiser la défense et la protection des lieux et des personnes. Il faudra sûrement fermer, clôturer l’enceinte. Il faudra sûrement organiser de la surveillance et anticiper violence et malveillance.
Autarcie ?
Sur le second point, il est illusoire d’imaginer qu’un si petit territoire puisse vivre en complète autarcie. Comme il n’y a rien d’autre dans la résidence que des habitations, il faudra bien continuer à pouvoir compter sur les commerces et sur les sévices des “services publics” extérieurs. Mais tout devient possible quand on se met à négocier…
Voisinage
Dans cette même logique, il nous faudra rencontrer les lotissements environnants. Sait-on jamais, certains pourraient bien être séduits par le projet et décider d’en mener un pour eux-mêmes — l’union ferait alors la force. Sinon, il s’agit surtout de les rassurer sur la dimension pacifique de notre initiative et nous assurer que les deux quartiers ont intérêt commun à faire respecter la sécurité chez les uns et les autres.
Influence
Enfin, la dimension peut-être la plus importante. Il va falloir compter sur l’influence pour faire fléchir le pouvoir. La sécession ne pourra être obtenue que par la révolte ou par le poids favorable dans l’opinion. La première route ne peut être exclue, mais elle ne peut être le seul pari. Il va donc falloir faire connaître ce projet, le rendre populaire.
Le Projet et son Histoire
La première idée qui vient, comme tout projet, consiste à se préparer à “le vendre” à ses clients — ici, tous mes co-propriétaires. Pourtant, ce n’est pas une très bonne idée.
En effet, selon toute probabilité, je suis le seul libertarien — i.e. conscient de l’être — dans ma résidence. Il est donc sans espoir d’imaginer frapper demain aux portes pour proposer un projet de sécession. C’est le meilleur moyen de passer pour un «libertaré».
Bien sûr, tous les résidents ou presque seront sensibles à l’argumentaire, dès que je leur parlerai de réduire leur fiscalité, j’aurai facilement leur attention. Mais seule une poignée, ceux qui entrent aisément dans l’abstraction et le long terme, seront plus ouverts dès le début à la folie apparente d’un tel projet. C’est chez ceux-là que j’irai frapper en premier pour “vendre” mon histoire. Cinq ou six monteront ainsi à bord.
À partir de ce premier noyau, le projet peut prendre forme, et les étapes avanceront peu à peu. Mais justement, ces étapes feront mon histoire. Ce qui compte, c’est de voir qu’il prendra du temps de gagner la confiance et la conviction de tout le monde.
Faites vos Sécession
Me voici à la fin de cette Introduction, de ce premier volet de l’histoire de ma Sécession.
Dans ma liste d’objectifs, obstacles et enjeux, j’ai terminé par l’influence. C’est un choix destiné à souligner l’importance de ce point.
Dans l’absolu, dans un monde “normal”, la légitimité d’une volonté de sécession, quelle qu’elle soit, ne devrait pas poser question, ne devrait même pas être contestable.
Mais nous sommes en France, pays de Colbert, de Napoléon. La sécession est à ce jour parfaitement anticonstitutionnelle. Elle sera fortement contestée par les zautorités.
Pour les amadouer, il y a bien des manières. La plus puissante, sans doute, sera que nous soyons nombreux à vouloir notre Sécession. Pour que la vôtre réussisse, il faut que la mienne réussisse. Et que celles de Pierre, Paul et Jacques réussissent aussi. La sécession, c’est toujours celle de mille Liechtenstein. Ou des dix mille Résidences.
Alors je vous invite à faire comme moi. Faites vos Sécession et racontez-les. Faisons le projet d’une Association des Sécessions d’Hors de France et écrivons son histoire.
À suivre…
Stéphane Geyres
Bravo pour cette initiative ! La seule possible : essayer.
Les écueils seront très nombreux. Les questions sont innombrables. Pour ma part j'estime à 0 la probabilité de convaincre 100% des résidents. Mais par contre je suis persuadé qu'une proportion non négligeable sera au moins attentive au projet.
Hâte de lire la suite.