Euclide réponds à Nord - De l'écrit à l'Oural...
Ne crois-tu pas que le bureaucrate a pu s'emparer de l'écriture, du moins du papier ?
Nord, mon très cher Ami,
Il m'est décidément toujours grand plaisir de découvrir tes lettres, et surtout tes mots, dont je te remercie vivement. Tu as ce talent pour mettre par écrit ce que souvent moi-même je ressens plus ou moins confusément. Et en effet comme tu aimes à l'exprimer, l'écrit nous permet d'aller au-delà de ce superficiel bien incomplet de nos conversations ordinaires et par trop convenues, prises qu'elles sont entre les feux de l'immédiateté que notre entourage pousse à tout moment, ne crois-tu pas ? Nous voilà donc lancés, semble-t-il, dans une nouvelle aventure à la découverte de nous-mêmes à travers ce regard que ce monde nous impose d'avoir sur lui, et je m'enthousiasme à l'idée de notre éclairage mutuel tissé au fil de ces lettres où nous tentons, fort humblement de toute évidence, d'écrire ce monde à le décrire et à le lire dans ses délires.
Le faux écrit abonde
Ainsi, si je te rejoins pleinement sur ce rôle que l'écriture exerce envers chacun de nous dans sa propre articulation intellectuelle, aidant dans son action même la pensée à la fois à se matérialiser et à se structurer, il me semble discerner qu'il en va tout autrement dès lors qu'on observe le rôle qu'il prend, voire qu'il a toujours eu, peut-être, au sein, ou plutôt comme instrument de notre multitude. Car ne crois-tu pas que le bureaucrate a pu lui aussi s'emparer de l'écriture, ou du moins du papier qu'on le sait gratter avec ce qu'il lui reste de fougue ? Il écrit, le bougre, mais il ne dit pourtant plus rien qui fasse grand sens ou même sens commun. Pour revenir à nos décideurs noyés sous ces gens d'influence leur bourdonnant autour, ces vautours d'influence, ce sentiment me convainc que nos rares décideurs se voient inéluctablement noyés encore par une paperasse grandissante et galopante, censée leur venir en aide tout autant qu'en réalité elle les broie. Cet écrit se crée mais ne pense, et pourtant il s'écrie, pensant panser la souffrance fantasmée du responsable, cette rareté de notre monde. L'écrit qui ne pense se crée à foison, mais pose des cloisons à dépenser. Tes lumières à cet égard me seraient précieuses, car mon regard est sans doute biaisé, qui déteste tout ce qui administre petitement. Et ce regard que je porte me donne à voir une société où peu à peu je le crains, ce faux écrit abonde qui, par sa nature collective, vient sournoisement étouffer le tien, celui de la pensée individuelle.
Prise de pouvoir de l'oral ?
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