Amour, Psychanalyse et Liberté - #3 Liberté
La liberté ? Absolument tout le monde la réclame, publiquement ou pas.
Tout le monde la réclame
La liberté ? Absolument tout le monde la réclame, publiquement ou pas. Il est naturel d’estimer que notre voisin n’a pas à nous donner d’ordres ni à nous forcer à quoi que ce soit. Et donc, chacun d’entre nous, sans exception, aspire à la liberté. C’est simple, non ?
Aaaaaaahhhhh, si c’était si simple que ça, dans ce cas, pourquoi le libéralisme ou le libertarianisme existeraient ? Car après tout, le fondement même de ces deux courants de pensée est la, et n’est que la défense de la liberté. Et puis, au fur-et-à mesure d’échanges avec pas mal de gens de tous horizons, nous pouvons réaliser que nous n’avons pas toutes et tous la même vision ni définition de la liberté.
Et puis, il est facile d’observer des distorsions au quotidien dans nos libertés. Ainsi (pour donner un exemple flagrant), pourquoi le choix de la couleur du T-Shirt ne poserait-il aucun problème et ne créerait-il aucun conflit entre deux personnes, alors que le choix du type d’apprentissage scolaire pour nos enfants soulève régulièrement des débats stériles, voire des bagarres entre parents ?
Il est ainsi simplement évident, par cet exemple ou encore bien d’autres, que la liberté a une signification à géométrie variable selon chacun d’entre nous. Mais revenons à l’essentiel : avant de continuer plus avant la lecture de cet article, tentons d’abord de définir le mot « liberté » dans le but de nous comprendre.
Le choix
De mon point de vue, la liberté, c’est le choix. Le choix d’acheter un T-Shirt ou pas, le choix de sa taille et de sa couleur ou du motif arboré sur sa face avant. Et enfin, le choix du magasin ou fournisseur de T-Shirts. Certains ici commencent déjà à tiquer et arguent que, par exemple, ils voudraient rouler en Rolls-Royce sauf qu’ils n’ont pas ce choix, étant donné qu’ils n’ont pas les moyens de s’en offrir une et surtout de l’entretenir.
Ce faisant, les défenseurs de ce type d’argumentation ont clairement tort et cela pour plusieurs raisons. La première, c’est qu’il est très probablement possible de trouver une voiture de cette marque d’occasion dans une fourchette de prix correspondant à leur budget. La deuxième, c’est que nos choix sont tout naturellement limités par des contraintes matérielles, concrètes et évidentes.
Les Rolls-Royce sont chères pour des raisons très précises : qualité de fabrication, d’insonorisation, de suspension, des matériaux utilisés ainsi que leur assemblage minutieux, etc. En clair, il faut 6 mois pour fabriquer une Rolls-Royce contre une semaine pour fabriquer une Renault. Evidemment, le résultat final s’en ressent, mais après tout, la Renault accomplit son job en étant certes plus bruyante, moins confortable et plus « plastique » que la vénérable anglaise. En fait, les Rolls sont chères simplement parce que dans les faits, beaucoup préfèrent encore payer le prix fort plutôt que de s’en passer ou d’acheter une Renault.
Renoir & Rolls-Royce
Enfin, il est une réalité depuis la nuit des temps : très souvent, ce qui est rare est cher. Moi aussi j’aimerais bien avoir un tableau de Renoir sur mon mur. Mais ils sont inaccessibles parce que le nombre de Renoir dans le monde est très limité et qu’en plus, leur peintre est décédé depuis belle lurette. Donc je n’ai pas de Renoir. Ni de Rolls-Royce (alors que j’adore ces voitures).
Mais, au contraire de celles et ceux qui soutiennent qu’ils ne sont pas libres parce qu’ils ne peuvent posséder ni Renoir ni Rolls-Royce, j’affirme clairement que je me sens parfaitement libre et extrêmement heureux que Renoir et Rolls-Royce existent. Chez moi, ça entretient un rêve. Et sans rêves, qui sommes-nous ? Ainsi, j’affinerai ma définition initiale en précisant (puisque visiblement certains ont besoin qu’on leur mette les points sur les « i ») que la liberté, c’est le choix dans la limite des moyens et des contraintes légitimes de chacun.
Ceci étant posé, d’autres individus arguent, sentant le « danger » arriver, qu’il doit y avoir des limites à la liberté de chacun. Ils prétendent que si le choix de X « nuit » à Y ou à l’ensemble de la société, alors il faut interdire ce choix à X comme aux autres. Sauf que… ce faisant, ils font un amalgame terrible de conséquences puisque, si nous suivons ce principe, alors nous en arrivons très logiquement à une société où tout est interdit, soumis à autorisation ou réglementé, régulé, etc.
Société actuelle
Oui, je viens de décrire notre société actuelle qui réglemente absolument tous les aspects de nos vies (la vôtre, la mienne) de notre naissance à notre mort. Y compris le choix des vêtements et de leur couleur (tels les « dress code »). Dans cette optique, la censure qui ne dit pas son nom du « politiquement correct » est une hérésie flagrante, digne des totalitarismes les plus effroyables de l’Histoire, tel Goebbels et son célèbre « Ministère de la Propagande ».
Or dans le cas précis où X fait un choix dont il est « prouvé » que cela aura « nui » à Y ou Z, alors Y et Z ont toujours la possibilité d’accuser X et de chercher une réparation à hauteur du préjudice subi. L’immense majorité de ces conflits se résolvent depuis toujours à l’amiable et les procès devant une cour de justice n’interviennent qu’en cas d’échec de la négociation et/ou en cas de préjudice sévère.
Ainsi, pour prendre un exemple « idiot », oui, je suis libre (dans la mesure des mes options) de voler mon voisin. Mais si j’agis ainsi et si je suis pris en flagrant délit, alors il est évident que je devrais assumer les conséquences de mes actes. C’est normal. Et donc, la liberté implique la responsabilité. Logique. Et justement, la tendance exponentielle depuis quelques décennies de notre société est de diluer la responsabilité de chacun dans une responsabilité « collective » imaginaire. Dans de plus en plus de domaines. Et, au nom du collectif, de réguler, réglementer, taxer encore plus pour tout et n’importe quoi.
Simulacre
Dans tous les cas de figure, il apparaît clairement que la perte de nos libertés, y compris fondamentales (liberté d’expression), vient de l’Etat, sous la houlette de ses dirigeants successifs. Et nous devons reconnaître qu’un certain nombre d’individus continuent à penser, ou plutôt à croire en cette vieille fable qui nous est assénée depuis des siècles, affirmant que l’Etat nous « protège » et veut « notre bien ». Et de nous faire croire par cette farce savamment orchestrée que nous aurions notre mot à dire tous les cinq ans avec ce simulacre de choix électoral.
Nous venons de le voir brièvement : la liberté est certainement relativement facile à définir. Mais en pratique, elle se heurte à des associations de voleurs, de mafieux à qui, par leur vote, les individus accomplissant leur « devoir de citoyen » signent régulièrement un chèque en blanc.
Alain Crémades